ISRAËL
LHOMMAGE
ARABIN
Source : marianne2.fr en ligne
le 2 octobre
Israël :
40 000 manifestants
rendent hommage à Itzhak Rabin
et demandent la paix
Martine Gozlan
40 000 pacifistes ont manifesté samedi soir à Tel-Aviv, en hommage à Itzhak Rabin, assassiné il y a 15 ans. Pas forcément tous de gauche, l'ensemble des manifestants espèrent une solution à l’heure où les négociations sont dans l’impasse.
Ils étaient près de 40 000 dans la nuit tiède de Tel-Aviv, réunis place Itzhak Rabin pour saluer la mémoire du Premier ministre assassiné au même endroit il y a 15 ans, le 4 novembre 1995 par Yigal Amir, le fanatique qui éclaboussa de sang le futur d’Israël. Les manifestants brandissaient d’ultimes banderoles de paix, insolites et bouleversantes à l’heure où s’enlisent tant d’espérances.
Car la grande surprise de ce rassemblement si controversé (certains ne veulent plus de commémoration du drame) ce fut cette foule d’anonymes, habituellement rétifs aux manifs. Les vrais militants n’étaient pas si nombreux : la majorité était venue moins pour les orateurs qui se succédaient à la tribune, entre deux orchestres, que pour l’émotion et la surprise de se retrouver ensemble. Des Israéliens de tous les centres, à gauche et à droite, déçus par la classe politique, épuisés par l’absence totale d’horizon qui condamne leurs fils à endosser l’éternel et tragique uniforme des guerriers. Des hommes, des femmes, des jeunes de la rue angoissés par l’étrange dérive d’un Etat hébreu soumis aux provocations d’Avigdor Lieberman, le ministre des affaires étrangères qui dynamite la diplomatie, l’homme dans lequel ils ne veulent pas se reconnaître même s’ils ont voté pour Benjamin Netanyahu.
Des sionistes, pas du tout enclins, comme les militants d’extrême-gauche, à descendre vers les quartiers arabes de Jérusalem pour clamer leur solidarité avec les Palestiniens expulsés. Et pourtant, bien décidés à se battre contre la métamorphose fascisante de leur pays. Absolument convaincus qu’il y aura un jour un Etat palestinien. Bref, c’était une partie de l’électorat de la gauche en déroute, du centre en attente (le puissant parti Kadima dirigé par Tizpi Livni) et de la droite modérée. D’ailleurs, le si vieux président, Shimon Peres, témoin des derniers mondes enfuis, prononçait sur l’estrade des incantations vagues, propres à unir cette foule hétéroclite mais curieusement soudée. Il en appelait à la paix et à l’espoir. Tous écoutaient respectueusement, habitués à ce flou qui nimbait leurs destin tout en désirant âprement que quelque chose émerge enfin de ses contours.
Comme ils écoutaient la juriste Ruth Gavison, 65 ans, ancienne présidente de l’association pour les droits civiques, scander à plusieurs reprises sa foi en « un Etat juif et démocratique ». Ces mots-là rassuraient et rassemblaient les Israéliens de la place Itzhak Rabin. « Ils représentent les centaines de milliers restés à la maison ce soir mais qui espèrent un règlement pacifique et veulent que « Bibi » Netanyahou dise adieu à Lieberman ! » affirmait le député travailliste Daniel Bensimon. Sinon, pourquoi les manifestants auraient-ils tant applaudi le petit-fils de Rabin qui les suppliait de « se réveiller pour assombrir et non pas illuminer le visage de l’assassin Yigal Amir » ? Autrement dit, le meurtrier risquait de gagner : son idéologie avait réussi à gangrener l’Etat. Il fallait la stopper. Vite.
La place de la commémoration s’est lentement vidée après que des chanteurs aussi disparates que le public aient fait reprendre en chœur rock et cantiques. Mais le lendemain, on voyait filer dans les rues des voitures ornées de fanions pour la paix. Une délégation de « Shalom Archav », le mouvement pacifiste « La paix maintenant », rencontrait Danny Ayalon, le vice-ministre des affaires étrangères, pour lui rappeler que la poursuite des constructions en Cisjordanie isolait encore davantage l’Etat hébreu sur la scène internationale. Il y a un mois, la même organisation avait affrété un vol spécial pour que journalistes et députés se rendent compte, en survolant la Cisjordanie, de l’absurdité des nouvelles implantations. Même le député du Likoud Arieh Eldad était de ce bref voyage…
Il y a 15 jours, 3000 personnes - c’est peu, mais tout de même ! - manifestaient encore à Tel-Aviv contre le projet de Lieberman de faire prêter serment à l’Etat juif aux Palestiniens. Ainsi, sur la sombre toile de fond des pourparlers enlisés et de la gauche officielle à l’agonie (13 députés au Parlement) des choses bougent, des énergies espèrent. Pessimistes et optimistes se rejoignent : Israël vit des heures cruciales qui salissent son image, mais ce temps ne durera pas. L’Israélien moyen ne peut pas s’identifier au colon qui applique aux Palestiniens de Cisjordanie les méthodes d’un Far West russo-américain. Netanyahou, dans les semaines qui viennent, n’aurait pas d’autre solution que de renouveler le gel des implantations pour ramener Mahmoud Abbas, le président palestinien, à la table des négociations. Sa coalition feindra de s’y opposer mais elle cèdera : le Premier Ministre en a une de rechange grâce au parti Kadima et à Tzipi Livni, prête à bondir sur un coup de fil de Netanyahu. A Tel-Aviv, interdit de désespérer même à l’heure où le Premier Ministre turc islamiste Recep Erdogan juge bon de classer Israël - et non l’Iran - parmi les plus grands dangers de la région. Dans l’Etat hébreu, il y a encore de la lumière.
Revue de presse, panorama du monde, blog de lutte contre l'antisémitisme et le racisme, ouvert au dialogue, l'autre image d'Israël, la culture juive à la rencontre de toutes les cultures, le monde juif tel qu'il est.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire