"LES MUSULMANS ET LE SEXE" de NADER ALAMI Editions GUMUS

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Recueil de Poésie en Hommage à Jenny Alpha

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Couv "LES PLEURS DU MÂLE" Recueil de Slams d'Aimé Nouma Ed Universlam

Couv "LES PLEURS DU MÂLE" Recueil de Slams d'Aimé Nouma  Ed Universlam


CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions

CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions
Sortie en librairie début mai 2013

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE
de GISELE SARFATI Editions PLUMES et CERFS-VOLANTS

lundi, juillet 06, 2009

TOUS
ENSEMBLE


DIALOGUE INTER-RELIGIEUX
A DAKAR




RABBIN DOV MAIMON
SUR LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX :
« Le dialogue n’a jamais été interrompu
entre l’Islam et le judaïsme »


Entretien paru sur le site du quotidien de Dakar
LE SOLEIL


Maître de conférences à l’Université hébraïque de Jérusalem, le rabbin Dov Maimon a cofondé plusieurs organisations actives dans le dialogue judéo-musulman au Proche-Orient. Il était au Sénégal pour participer à une rencontre sur le dialogue interreligieux, organisé par la fondation Konrad Adenauer. Considéré comme un grand connaisseur du monde musulman pour avoir soutenu une thèse en études théologiques sur les confluences entre mystique juive et mystique musulmane dans l’Égypte du XIIIe siècle, le rabbin appelle à un dialogue interreligieux entre ces deux religions pour mieux transcender les problèmes.


Vous avez écrit une thèse consacrée aux confluences entre mystique juive et mystique musulmane dans l’Égypte du XIIIe siècle. Y a-t-il des plages de convergences entre ces deux religions sur le plan mystique ?

Il y a plus que des plages de convergences. La première chose en mystique, c’est que la théologie chrétienne appelle la « via négativa ». D’abord arrêter de faire le mal. Il y a ensuite « via illuminativa », c’est-à-dire l’illumination. Le via négativa, c’est la même chose en Judaïsme, en christianisme ou en islam. C’est ne pas faire de mal au gens. C’est la même chose dans toutes les religions. La deuxième chose en mystique, c’est comment faire pour arriver à l’illumination. Pour y arriver, il y a des exercices spirituels comme le jeûne, la méditation, chanter. Dans toutes les traditions, chacune a son langage, mais on fait la même chose. On a eu des rabbins qui sont allés étudier chez des Cheikh et vice-versa. On a besoin d’un guide spirituel pour avancer. Le fondateur du soufisme disait que sans guide, un voyage de deux jours peut vous prendre 10 ans. Dans ce travail d’illumination, on doit le faire avec la raison. La troisième étape, c’est ce qu’on appelle la via untativa ; on arrive à l’union avec Dieu, ce n’est pas la même chose dans chaque religion. Par contre, il y a des différences. Il y a différentes formes d’union avec Dieu. Une union avec Dieu comme une goutte d’eau qui tombe à la mer, et là, il n’y a pas de retour. Il y a d’autres façons comme de l’encre sur un parchemin, et aussi comme si vous êtes gravé sur du marbre. Dans le christianisme et dans certaines formes de soufisme, on a cette forme d’union de goutte d’eau qui tombe à la mer mystique. Mais elle pose problème dans l’islam. Dans le Judaïsme, il y a ce qu’on appelle l’adhésion à Dieu, c’est comme si c’est gravé sur du marbre.

La mystique est un chemin pour arriver à s’attacher à Dieu, en situation d’union mystique avec Dieu. C’est comme dans une montagne avec trois chemins. Il y a ceux qui choisissent le chemin de Moïse, de Jésus, ou de Mahomet, et d’autres celui des religions traditionnelles. On ne peut pas dire quel est le meilleur chemin. Je dirais que le meilleur chemin, c’est le mien, d’autres diront non, c’est le notre. Chacun doit aller dans sa propre identité, mais aussi s’ouvrir comme disait Senghor : l’enracinement et l’ouverture. Quand on est vraiment sûr de ce qu’on est, on n’a plus de crise d’identité, on n’a pas peur de l’autre. Depuis ma venue au Sénégal, j’ai rencontré beaucoup de chefs religieux, des membres de la famille layène, de Seydou Nourou Tall. Des gens qui sont beaucoup plus spirituels que beaucoup de Juifs. Je suis venu pour apprendre. Apprendre comment les gens des différentes religions vivent au Sénégal en harmonie et réussissent à coexister.


Dans la perception d’une partie de l’opinion musulmane, on parle souvent de coalition judéo-chrétienne contre l’Islam. N’y a-t-il pas là des blocages pour un dialogue entre Juifs et musulmans ?

Le judaïsme n’est pas une religion du monde occidental. C’est une religion sémitique, qui vient du Moyen-Orient. La majeure partie des Israéliens ne vient pas d’Europe, ils viennent du Moyen-Orient. 70% des Juifs qui habitent Israël ont des grands parents qui viennent des pays arabes. Au IXe siècle, 90 % des Juifs vivaient sous l’empire musulman. On a une rencontre avec l’Islam qui est très proche. Dans les livres de Moïse Maimonide, qui est le plus grand codificateur de la religion juive, il y a une grande influence musulmane. L’Islam est trop présent chez nous. La rencontre entre le Judaïsme et l’Islam ne s’est jamais arrêtée depuis le début de l’Islam. Le dialogue n’a jamais été interrompu. L’Islam est une religion qui a influencé le judaïsme énormément, au niveau de la langue, de la grammaire, de la poésie et même de la mystique. Avant, c’était le Judaïsme qui a influencé l’Islam. Il y a ce qu’on appelle les Israélites, c’est-à-dire des passages de hadiths qui sont rapportés par des Juifs convertis à l’Islam.


Est-ce que le dialogue continue toujours ?

Ce dialogue existe toujours. Mais, aujourd’hui, avec l’islam intégriste, c’est la confrontation. Nos rapports avec l’Islam ne sont pas univoques. L’intégrisme vient d’une révolte contre la modernité, de se cerner sur soi-même, être dans une ghettoïsation et refuser de s’ouvrir aux autres. Ce qui n’est pas une tradition musulmane.


Ce qui a exacerbé la relation entre les Juifs et les Musulmans, c’est surtout le conflit israélo-palestinien. Les positions de part et d’autre facilitent-elles le dialogue ?

Le conflit est d’abord territorial et politique. Religieux aussi. Si la religion est une partie du problème, elle doit en être une partie de la solution. Les religions sont des identités meurtrières pour rependre Amin Malouf. En général, les religions exacerbent les conflits. Le pari qu’on fait pour cette rencontre de Dakar, qui s’inscrit dans un courant beaucoup plus large, d’une vision de la postmodernité, c’est de se demander si la religion peut être une force de réconciliation. Est-ce que les leaders religieux peuvent s’engager d’une manière plus intelligente à œuvrer, à réconcilier des gens qui sont en conflits pour des raisons politiques ou territoriales. J’ai fait des rencontres intéressantes avec la famille de Seydou Nourou Tall, avec des chefs religieux à Cambérène. La religion est censée rapprocher les gens, rendre un monde meilleur. Or, aujourd’hui, la religion sépare les hommes et les amène à un conflit. C’est un scandale théologique. On a raté le coche. Les religieux ne font pas leur travail. C’est pourquoi je suis venu rencontrer des leaders religieux sénégalais, pour leur dire que nous avons tous un problème. C’est-à-dire comment réussir à ce que les religions remplissent les fonctions pour lesquelles Dieu les a créées. Dieu n’a pas révélé les religions pour dire aux gens tapez-vous. Dieu a un prophète Abraham qui a deux fils. Isaac a donné le monde juif et Ismaël le monde musulman. Dieu ne serait pas content de voir ses fils se bagarrer. On doit repenser la religion. La seule façon de le faire, c’est par des rencontres de leaders religieux. Chacun dans sa communauté essaie de développer la théologie du pluralisme. Etre profondément ancré dans sa foi et accepter l’autre dans sa différence. Je suis venu au Sénégal pour apprendre comment faire cela. Dans ce pays, vous arrivez à vivre bien avec différentes religions. C’est quelque chose qu’on aimerait bien apprendre du Sénégal. Faire un partage d’expérience. En Algérie, il y a une ville qui s’appelle Bône. En 1934, il y avait des pogroms à Constantine. On a tué des dizaines de Juifs là-bas. Dans la ville proche de Bône, il n’y a pas eu une seule violence contre les Juifs. A Bône, il y avait un grand rabbin, qui est parti voir son ami, l’imam de la ville. Durant toute la journée, ils se sont baladés dans la ville, bras dessus, ont serré des mains dans les magasins juifs et musulmans. Ils ont donné des exemples vivants sur comment empêcher la violence. Il faut arrêter des discours de négations dans les mosquées ou synagogues.


Qu’est-ce qui, selon vous, constitue les blocages pour que ce dialogue existe ?

Le premier blocage est d’ordre théologique très fort. C’est-à-dire que moi, si je suis dans la vérité, cela veut dire que l’autre est dans le mensonge. C’est un modèle de pensée binaire, exclusif. Un modèle où les gens disent qu’il y a une seule vérité. Certains disent que si l’Islam a raison, le Judaïsme a tord ou vice versa. J’ai rencontré ici des gens qui ont dit non. Si l’Islam a raison, les autres n’ont aussi pas tord. Les Chrétiens ont réussi ce chemin, en 1964, avec le concile du Vatican II. Saint Augustin disait que « hors de l’Eglise, point de salut ». Après ils ont dit non, il y avait d’autres chemins. Je propose un nouveau modèle basé sur un concept qui remplace celui de vérité exclusive. Le concept nouveau que je propose, c’est celui du paternalisme mutuel. Chacun peut croire que son chemin est le meilleur, tout en respectant les autres. Cela mettra des années à s’imposer. Cela a déjà commencé. C’est la première fois qu’un rabbin arrive au Sénégal pour participer à un dialogue interreligieux. Je connais l’Islam du Moyen-Orient, pas celui du Sénégal qui est très porteur d’espoir et qui pourrait nous permettre d’arriver à cette théologie du pluralisme.

Propos recueillis par Oumar NDIAYE

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