CAMPAGNE
ELECTORALE
AMERICAINE
Source : lefigaro.fr en ligne le 23 octobre
Les sondages prévoient un raz-de-marée
pour Obama
Renaud Girard,
notre envoyé spécial à Miami
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Au cours de sa campagne, le génie du candidat démocrate est de toujours tout faire pour incarner son destin de futur «unificateur de la nation». Son succès dans les sondages montre qu'il est parvenu à être perçu comme tel.
Pourquoi, comme on l'a vu lundi et mardi en Floride, Barack Obama attire-t-il beaucoup plus de monde à ses meetings que son concurrent républicain, John McCain ? Pourquoi, au cours de ces derniers jours, est-il passé du simple statut de politicien doué et respecté à celui de superstar ? Pourquoi, ici, à Miami, des dizaines de milliers de petites gens ont pris un jour de congé pour pouvoir venir faire une longue queue et l'écouter parler au Parc du Bicentenaire, le long de l'océan ? Pourquoi vient-il de faire un bond inouï dans les sondages (l'institut indépendant Pew le créditant de 52 % d'intentions de vote, contre 38 % à McCain) ?
La qualité de son marketing politique, la parfaite organisation de sa logistique de campagne (un nombre de volontaires et des finances quatre fois supérieurs à ceux de McCain), les innovations de son programme ne suffisent pas à expliquer l'extraordinaire engouement qui est en train de saisir l'Amérique. Il y a une magie personnelle de Barack Obama. Les gens, Blancs, Noirs et Hispaniques mélangés, qui désormais se pressent sur son passage pour le voir de près ou, qui sait, pour avoir la chance de lui serrer la main, n'attendent pas des heures debout sous le soleil pour de simples raisons politiques, pour obtenir une réponse sur tel ou tel point de son programme : ils savent qu'ils la trouveront à la télévision ou sur le Web. Ce qu'ils attendent d'Obama va au-delà de la politique. Beaucoup de ces badauds devenus fans portent des pancartes où ne figure, en majuscules, qu'un seul mot : HOPE («espoir»).
Des experts de tous horizons politiques
Espoir de quoi ? Pour Jack, 41 ans, l'employé noir d'un fast-food de West Palm Beach, Obama incarne «le renouveau du rêve américain. Je peux désormais dire à mes deux fils que s'ils travaillent bien à l'école ils pourront devenir un jour président des États-Unis ! Avant Obama, ils ne m'auraient simplement pas cru !». L'égalité des chances est une vertu sacrée pour les Américains, peuple qui n'aime rien plus que les «self-made-men», peuple qui considère que la rapide ascension sociale d'un individu témoigne d'une bénédiction divine. À cet égard, Obama, abandonné par son père kenyan après sa naissance, a un avantage sur McCain, fils et petit-fils d'amiral.
Pour Carolina, 27 ans, cinéaste en herbe qui partage sa vie entre ses tournages «artistiques» et le bar qu'elle tient dans un grand hôtel de Miami pour des raisons financières, belle fille enthousiaste née en Amérique mais originaire d'une famille cubaine ayant fui le castrisme dans les années 1960, Obama représente le futur «unificateur de la nation». «Sa peau est noire, mais il a été élevé par ses grands-parents, famille blanche travailleuse du Kansas. Il a été formé dans les meilleurs universités de la côte Est, mais il a ensuite quitté le cocon financier et intellectuel des law firms pour se plonger dans les problèmes sociaux des quartiers défavorisés du sud de Chicago. Obama a deux grandes qualités pour unir la nation : d'abord, il aime l'Amérique comme une mère qui lui a tout donné, il en est fier, il lui exprime publiquement sa reconnaissance ; ensuite, il n'est lié à aucun ghetto, ni celui des Noirs revendicateurs, ni celui des riches professionnels, ni celui des politiciens de Washington», explique Carolina avec un grand sourire, à la sortie du meeting du Parc du Bicentenaire.
Au cours de sa campagne, le génie d'Obama a été de toujours tout faire pour incarner son destin de futur unificateur de la nation. Lors de son meeting de Lakeworth, mardi, dans le gymnase d'un collège technique, la foule vient-elle à siffler le nom de John McCain qu'Obama l'interrompt immédiatement : «Stop ! La seule chose que je vous demande, c'est d'aller voter en masse !» La force du style d'Obama, c'est d'éviter systématiquement tout discours haineux.
Pour soigner son profil d'unificateur de la nation, Obama privilégie les séances de propositions concrètes aux grandes envolées d'une campagne négative. Le candidat démocrate dédaigne toujours la polémique en faveur de la politique au sens le plus élevé du terme. Mardi, en Floride, il a amené avec lui des ténors du monde économique (l'ancien président de la Réserve fédérale Paul Volcker, l'ancien secrétaire à l'Énergie Bill Richardson, l'actuel patron de Google Eric Schmidt, etc.) pour discuter, devant un public populaire, des moyens de sortir l'Amérique de la récession se profilant à l'horizon.
Mercredi, Obama reproduit, en Virginie, ce modèle de débat public avec un panel d'experts - ambiance à la fois professionnelle, détendue, sérieuse sans être ennuyeuse car ponctuée d'humour. Le thème, cette fois, n'est pas l'économie, mais la sécurité nationale. La force d'Obama, c'est de pouvoir réunir autour de lui des experts venus de tous les horizons politiques, pas seulement du Parti démocrate. Originellement, Paul Volcker est un républicain. Comme le général Colin Powell, l'ancien commandant en chef de la première guerre du Golfe et ancien secrétaire d'État du premier mandat de George Bush (2001-2005).
Que Powell ait été pressenti par le Parti républicain pour être son candidat à la présidentielle en 1996 n'a pas empêché Obama de le courtiser longuement, au cours de l'année passée, lui rendant personnellement visite à deux reprises, et s'entretenant au téléphone avec lui tous les mois. Le résultat est venu il y a cinq jours : Powell a annoncé à la télévision qu'il voterait pour Obama. La Maison-Blanche n'a même pas mal réagi, son porte-parole déclarant que le président gardait toute son estime et son amitié au général. En attirant autour de lui les experts les plus réputés du pays en économie comme en politique étrangère, les chefs des grandes entreprises les plus innovantes (comme Google), Obama a donné de lui l'image d'un homme politique capable de se dégager de ses origines partisanes, d'un grand unificateur potentiel de la nation.
Il restait cependant, pour le candidat démocrate, un problème d'image à régler : ses racines. Pour l'Américain moyen, Barack Hussein Obama a une biographie confuse, l'assimilant à un martien : prénoms et nom bizarres, père kenyan, beau-père indonésien, jeunesse à Hawaï, cela faisait beaucoup. En Amérique, la première question qu'on vous pose toujours est celle des origines : «Where are you from ?» En prenant deux précieux jours pour aller, jeudi et vendredi, à Hawaï, au chevet de sa grand-mère malade, Obama répondra à la question de manière subliminale. Américaine blanche issue d'un milieu modeste du Kansas, Madelyn Dunham, simple secrétaire devenue vice-présidente d'une banque à force de travail, est la personne qui a élevé Obama, se sacrifiant toujours pour assurer la meilleure éducation à son petit-fils adoré. «C'est elle qui m'a inculqué la vertu du travail (…). Tout ce qu'elle avait en elle, elle me l'a insufflé !», s'est exclamé Obama lors de son discours d'investiture à la convention démocrate de Denver.
En rendant visite à sa grand-mère maternelle, Obama rendra de nouveau hommage à une femme de travail et de compassion, les deux vertus les plus hautes aux yeux de l'écrasante majorité du peuple américain.
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