LAPROVOC
ROYAL
L'EDITO
DU FIGARO
Les fantômes de Ségolène
L'éditorial de Paul-Henri du Limbert du 10 juillet.
Attention, «Boulognegate» ! En ce début de vacances estivales, on est prié de s'intéresser à un scandale peut-être aussi explosif que la pose de micros dans l'immeuble du Parti démocrate à Washington en 1972. Quelqu'un a «mis à sac» l'appartement de Ségolène Royal à Boulogne-Billancourt. Le cambrioleur en chef ? Nicolas Sarkozy, bien sûr. Pourquoi ? Parce que qui voulez-vous que ce soit d'autre !
Il y a un peu de François Mitterrand chez Ségolène Royal. Elle sait que pour exister, surtout dans les moments difficiles, pratiquer l'outrance peut être utile. Il est arrivé à Jacques Chirac, qui eut souvent à souffrir des attaques de son vieux rival, de résumer la chose en une formule pas tout à fait élégante mais indéniablement éloquente : «Plus c'est gros, plus ça passe !» Et il est vrai qu'avec François Mitterrand la tactique était souvent payante. Mais c'était un autre temps, et on s'était depuis habitué à l'idée qu'entre gensde gauche et gens de droite certaines attaques n'avaient plus cours. Dire tout haut à la télévision que Nicolas Sarkozy est à la tête d'un «clan» - comme Mitterrand avait dit de Chirac en 1988 - qui, entre autres activités, pratique l'effraction de domicileet le cambriolage, c'est changer la naturedu débat politique. Ce n'est évidemment plus s'attaquer à l'action du chef de l'État, mais installer dans l'opinion l'idée que l'homme qu'ils ont élu l'an dernier a les gènes réunis de Joseph Fouché et d'Arsène Lupin. Ce que Jean-Marc Ayrault a traduit à sa manière en expliquant que les Français vivent «dans un climat où tout peut se passer».
Que Ségolène Royal ait été cambriolée, c'est indéniable. Mais pourquoi agiter des fantômes ? Pourquoi faire croire à l'existence d'officines malfaisantes qui consacreraient leurs journées à tendre des pièges aux responsables socialistes et à fouiner dans leur vie privée ? Pourquoi laisser penser qu'il existerait une sorte de petit KGB à la française lancé aux trousses des opposants ?
Il y a peut-être une explication à ces spectaculaires outrances. L'«effet Ségolène» s'est singulièrement estompé dans l'opinion et désormais, ses camarades socialistes ne lui trouvent pas que des qualités. Il est donc impératif d'exister coûte que coûte, de capter la lumière, de parler, de dénoncer, d'accuser. Il faut malheureusement s'attendre à de tels débordements jusqu'au congrès de Reims et à l'élection du prochain premier secrétaire. Le futur patron du PS doit prouver aux troupes qu'il est le premier opposant, qu'il ne passe rien à Nicolas Sarkozy, qu'il sait le harceler. En une semaine on a donc eu droit à la polémique inutile sur la libération d'Ingrid Betancourt et aux accusations loufoques sur les monte-en-l'air de Boulogne-Billancourt.
Les Français vont-ils s'intéresser au faramineux «Boulognegate» ? On en doute parce qu'ils sentent que Ségolène Royal a tendance à «surjouer» ses indignations. En tout cas, la ténébreuse affaire pourrait faciliter la tâche de Martine Aubry et Bertrand Delanoë, qui briguent eux aussi le poste de premier secrétaire. Peut-être jubilent-ils en se disant qu'à force de voir des espions partout, Ségolène Royal n'arrivera nulle part.
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