QUESTION
DECOMMUNAUTES
Source : marianne2.fr en ligne
le 13 janvier
Meurtre du Blanc-Mesnil :
fait divers ou
problème communautaire ?
Tefy Andriamanana
Marianne
A chaque crime mettant en cause un juif et un musulman, les médias n’hésitent pas à donner, parfois à tort, dans la lecture ethnique. Mais quand il s’agit d’un Antillais face à un Africain, comme c'est le cas au Blanc-Mesnil avec le meurtre de Claudy Elisor, rien de tel.
L’affaire avait entaché le bilan de la nuit 31 annoncée comme « sans aucun incident majeur » par Brice Hortefeux. Au Blanc-Mesnil, Claudy Elisor, 33 ans, DJ d’origine antillaise, a été battu à mort par plusieurs individus. Il avait refusé l’entrée d’une soirée à un homme qui est revenu ensuite avec ses complices pour se venger. Un suspect s’est rendu à la police et a été mis en examen et écroué pour meurtre.
Pour l’heure, aucune réaction politique. Si prompts à récupérer des faits divers, Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux ont gardé le silence. Il est vrai que ce crime remettant en cause leur bilan glorieux de la nuit du 31, ils n’avaient pas intérêt à communiquer sur cette affaire. Au niveau local, silence également. Sur le site de la Préfecture de Seine-Saint-Denis, aucun communiqué à ce sujet, malgré la médiatisation de l’affaire.
Mais cette médiatisation pose problème. Au détour d’une dépêche AFP, reprise par certains sites de presse, on apprend que le suspect principal serait « d’origine africaine ». Leparisien.fr signale lui que son prénom est Ibrahim. Naturellement, dans les commentaires des articles, on lit des remarques au ton xénophobe voire raciste. Cela dit, ces commentateurs ne représentent qu’eux-mêmes.
On aurait pu s’attendre à ce que les médias face une lecture ethnique de ce fait divers. Il n’en est rien. A chaque crime mettant en cause un juif et un musulman, les médias cherchent pourtant une motivation raciste. Exemple, au printemps dernier, avec l’affaire Saïd Bourarach, un vigile de Bobigny, tombé dans la Seine après avoir été poursuivi par des hommes de confession juive. Une dépêche AFP a été consacrée au message de condoléances adressé à la famille de la victime par Gilles Bernheim, grand rabbin de France. La dépêche précisait en introduction que cette mort « pourrait être lié à une dispute à caractère raciste ». Pourtant, aucun motif raciste n’a été retenu dans cette affaire encore à l’instruction.
Deux poids, deux mesures
Le mieux vient de Libération. Le quotidien avait publié à l'époque un article titré « Mort du vigile : la piste tenace du racisme ». Avec un chapô alléchant :
« Retour à Bobigny après le décès de Saïd Bourarach. Connu pour sa violence, le principal suspect affiche aussi un sionisme virulent ». Mais le quotidien n’apporte aucun élément sérieux à sa thèse. Les témoins dans l’entourage du suspect principal notent que l’intéressé n’est pas spécialement engagé politiquement. Mais Libé note quand même qu’il est membre du groupe Facebook «Israël n’a volé la terre de personne, c’est notre terre ». Une investigation poussée au minimum.
A l'inverse, dans l'affaire Elisor, la question ethnique ou religieuse disparaît. Certes, des médias ont interrogé des personnalités évoquant la question mais aucune ne titre sur cela. Le traitement est plus subtil, tout est dans la hiérarchisation. Exemple avec cette dépêche du groupe Hersant Médias qui détient de nombreux titres Outre-mer. Dans l'article, Patrick Karam, délégué interministériel à l’égalité des chances pour les Français d’Outre-mer, dit avoir demandé au ministre de l’Intérieur de faire preuve de « détermination pour accélérer l'enquête et éviter des affrontements communautaires ».
Il a tenu les mêmes propos à l'AFP, dans la dépêche qui signalait l'origine africaine du suspect : « Je demande à toute la communauté ultra-marine de garder son calme et de ne pas tomber dans une opposition communautariste, les agresseurs sont des voyous, cela n'est en aucun cas lié à leurs origines ». Dans les deux cas, les dépêches titrent sur le fait-divers en lui-même et les arrestations de suspects.On pourrait croire à une salutaire prudence des journalistes. Ils auraient pu alors commencer bien plutôt et retenir les leçons de l'affaire du RER D.
Fracture avec les métropolitains
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Jean-Louis Nadal, courageux, mais trop tard ! Les tensions communautaires sont-elles pour autant une invention médiatique ? Joint par Marianne2, Patrick Karam a réitéré ses craintes d’une « confrontation inter-communautaire ». « Il suffisait de lire ce qu’il y a sur Internet, la situation est explosive », a-t-il ajouté. Mais il a également affirmé avoir « appelé au calme » et a martelé qu’il s’agissait d’un « crime commis par des voyous » et non d’un crime raciste. Mais Claudy Siar, président de Tropiques FM, se montre plus mesuré. « On ne peut pas accorder d’importance parce qu’il y a un ou deux auditeurs qui pensent comme ça », a-t-il déclaré à Marianne2.
Mais une autre dépêche AFP tente d'élargir le problème. Interrogé, Claudy Siar a déploré que la police soit intervenue 20 minutes après l’appel. Le dirigeant de radio a ajouté : « Nous ne nous laisserons plus faire, nous ne voulons plus être traités comme des citoyens de seconde zone, comme des nègres. » Patrice Karam a pointé les mêmes problèmes et a obtenu l’ouverture d’une enquête de l’IGS (police des polices) sur le dossier.
Claudy Siar, ajoute, pour Marianne 2, que sur Tropiques FM, un sentiment d’inégalité de traitement ressort : « Toutes les affaires sont rappelées par nos auditeurs comme l’affaire Fofana, de la cavalière ou du RER D. » Des affaires où les auditeurs antillais ont l’impression que les autorités sont intervenues avec plus de motivations. « Ce qui n’est pas normal, c’est qu’une affaire avec des ultra-marins, c’est qu’on s’en occupe moins (…) Il y a un ressentiment qui existe », note Claudy Siar. Pourtant, il dément toute revendication communautariste : « Vous allez trouvez ça paradoxal, mais ce n’est pas faire de la racialisation que de dire que ça a marché moins vite pour nous. » Derrière ce fait divers, la fracture entre ultra-marins et métropolitains semble donc refaire son apparition. A supposer qu’elle ait un jour disparu.
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