POLEMIQUE
AUTOUR
DUNEEXPOSITION
SURLOCCUPATION
APARIS
Source : lemonde.fr en ligne le 11 avril
sur Diasporablog le 12 avril
Des photographies de propagande nazie
provoquent un malaise
Une exposition de photographies, intitulée "Paris sous l'Occupation", présentée jusqu'au 1er juillet à la salle d'exposition de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, 22 rue Malher, dans le 4e arrondissement, provoque malaise et polémique. Il s'agit de deux cents images en couleur, qu'André Zucca (1897-1973) a prises dans les rues, les jardins et les gares du Paris occupé - certaines publiées dans le no 213 du Monde 2 (édition du samedi 15 mars).
L'intérêt des images n'est pas en cause, mais leur présentation. Sans véritables commentaires, elles montrent un Paris idyllique : des enfants font voguer leurs bateaux sur le bassin du Luxembourg, les musiciens de la Wehrmacht régalent les Parisiens de concerts en plein air, les élégantes font du vélo. des affiches en couleurs enjoignent d'aller voir l'Exposition antibolchevique ou de rejoindre la Légion des volontaires français (LVF) engagée contre l'Armée rouge.
Par hasard, Zucca photographie une femme en noir portant l'étoile jaune et, rue des Rosiers, un vieil homme au manteau duquel on aperçoit la tache jaune, à peine visible. Mais les rafles, les commerces juifs aux vitrines barrées d'inscriptions antisémites, les queues devant les magasins d'alimentation, les V tracés à la peinture blanche sur les murs en signe de résistance après la défaite des nazis à Stalingrad, il ne les voit pas.
André Zucca travaillait au "service exclusif" du bimensuel allemand Signal, édité d'avril 1940 à mars 1945 par Deutscher Verlag, dédié à l'apologie de la Wehrmacht, publié en vingt langues, dont le français. En 1942 et 1943, le tirage de ce magazine de propagande nazie, non diffusé en Allemagne, atteint 2,5 millions d'exemplaires, dont 800 000 pour la France.Zucca a publié des dizaines de reportages en noir et blanc dans Signal, traitant de sujets faits pour satisfaire son employeur, notamment les bombardements aériens anglais et américains sur la France. Tout cela n'aurait-il pas mérité des cartels (courts textes sous les photos) qui ne se bornent pas à préciser lieux et dates ? Un avertissement est bien distribué aux visiteurs. Mais Pierre Assouline, sur son blog La République des livres (lemonde.fr), affirme qu'"il a fallu que des visiteurs s'en émeuvent pour que les organisateurs se fendent d'un avertissement d'un feuillet posé en pile au guichet". Dans cet avertissement, sont mentionnés l'"embauche" de Zucca par Signal, "organe allemand de propagande nazie", et l'absence de "la réalité de l'occupation et de ses aspects dramatiques".
Est-ce suffisant ? Jean Derens, directeur de la BHVP, le pense. Que Signal soit un journal de collaboration, "tout le monde le sait", dit-il. "S'il se trouve un visiteur qui ignore ce qu'a été l'Occupation, c'est désolant, mais on ne peut pas à chaque fois tout réexpliquer." M. Derens nie que ces images en couleur soient de propagande, parce qu'elles n'ont pas été publiées dans Signal. Pourquoi ? On ne sait. Mais les pellicules Agfacolor 36 poses, de marque allemande, que Zucca met dans son Leica et son Rolleiflex ne peuvent être obtenues qu'auprès des nazis. "Peut-être les avait-il volées ?", se demande M. Derens, hypothèse peu vraisemblable.
La préférence de Zucca pour les beaux jours ensoleillés s'expliquerait techniquement : lentes, les pellicules auraient exigé une forte lumière. "Ce qui est impressionnant, c'est la prouesse technique du photographe", commente Jean Derens. Prouesse technique ou non, ces images peuvent vite devenir odieuses. Zucca est arrêté en octobre 1944. Son dossier classé, il se retire à Dreux et se fait photographe de mariages et de fêtes.
Par une coïncidence heureuse, l'artiste Christian Boltanski, né en 1944, présente au même moment à Paris sa pièce nommée Signal, inconnue en France. Il ne l'a exposée qu'une fois, à Mönchengladbach, en Allemagne, et l'a publiée en livre en 2004 à Berlin. Le principe est simple : Boltanski a choisi dans vingt numéros du bimensuel nazi des pages telles que le face-à-face de deux photographies mette en évidence la confusion des nouvelles et les mensonges officiels, par exemple David, de Michel-Ange, face aux tombes des soldats morts, le casque de fer bien en évidence. Pas de collage, pas de montage : rien que la juxtaposition des images telles que la mise en page de chaque numéro les proposait.
L'analyse que Boltanski obtient est d'une efficacité terrible. Signal a été montré pour la première fois en France à l'Ecole normale supérieure, à Paris, le 10 avril, le temps d'une soirée. Il faut souhaiter une présentation plus longue, car cette oeuvre à le pouvoir d'ouvrir les yeux.
Philippe Dagen
Revue de presse, panorama du monde, blog de lutte contre l'antisémitisme et le racisme, ouvert au dialogue, l'autre image d'Israël, la culture juive à la rencontre de toutes les cultures, le monde juif tel qu'il est.
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