"LES MUSULMANS ET LE SEXE" de NADER ALAMI Editions GUMUS

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Recueil de Poésie en Hommage à Jenny Alpha

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Couv "LES PLEURS DU MÂLE" Recueil de Slams d'Aimé Nouma Ed Universlam

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CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions

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Sortie en librairie début mai 2013

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE

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de GISELE SARFATI Editions PLUMES et CERFS-VOLANTS

lundi, avril 14, 2008

MILLE
FEUILLES
Source : lenouvelobs.com en ligne le 3 mars
et le Nouvel Observateur


Après «les Bienveillantes»


Littell autopsie un SS
Par Jérôme Garcin



Dans «le Sec et l'humide», à paraître le 10 avril, Jonathan Littell relit, à la loupe, les Mémoires de Léon Degrelle, le chef de la légion SS «Wallonie». En voici les bonnes feuilles en exclusivité

Max Aue, l'officier SS et le narrateur des «Bienveillantes», n'a jamais rencontré le Belge Léon Degrelle (1906-1994), qui commandait sur le front de l'Est la légion «Wallonie». Mais il en a beaucoup entendu parler, notamment par Brasillach, qui l'évoquait «avec un lyrisme débordant». Dans le roman de Jonathan Littell, Degrelle est une ombre, un fantôme noir. Il n'apparaît que de manière sporadique, et cela ajoute à son énigmatique légende.
A la page 219 des «Bienveillantes», Max Aue, qui traverse alors le Caucase, se fait raconter comment Degrelle, simple mitrailleur, a gagné ses galons d'officier et obtenu que la légion «Wallonie» de la Wehrmacht fût versée, en juin 1943, dans la Waffen-SS. Et à la fin du roman, page 782, Max Aue, quittant Berlin en ruine, croise à Stargard «des Waffen-SS à écusson noir-or-rouge, des hommes de Degrelle».

C'est donc en rassemblant, pour «les Bienveillantes», son énorme documentation, que Jonathan Littell a découvert Léon Degrelle, apôtre du Nouvel Ordre européen, parangon de la collaboration, archétype de l'intégration au modèle nazi, icône de la propagande allemande, symbole d'une éclatante ascension dans l'armée du Reich, sorte d'aryen belge que rien, ni la mort de Hitler, ni la victoire des Alliés, ni la découverte de l'Holocauste, n'ébranlera dans ses convictions en béton. Car ce directeur d'une entreprise de BTP, longtemps protégé de Franco, est mort tranquillement, à l'âge de 88 ans, dans cette Espagne où vit désormais Littell, sans être inquiété et sans avoir jamais été effleuré par la moindre idée de repentance. Au contraire, il a continué à se faire photographier en tenue de colonel SS, dans son jardin de Málaga. Et il a publié un récit, «la Campagne de Russie», où, réécrivant l'Histoire, il relate ses vaniteux exploits sur le front de l'Est. Il y réaffirme sa fidélité aveugle au Führer, cet «homme d'une impressionnante majesté», aux «yeux vifs et bons», au «dos droit comme un pin des Alpes» qui le décora deux fois, en 1944, et lui confia: «Si j'avais un fils, je voudrais qu'il fût comme vous.»

C'est ce livre que, ligne à ligne, métaphore après métaphore, comme pour le faire dégorger, le romancier des «Bienveillantes» dépèce ici. De même que Jean-Pierre Faye, dans «Langages totalitaires», avait démontré comment les mots utilisés par Hitler avaient, dès 1925, rendu l'horreur «acceptable», Jonathan Littell décrit en médecin légiste, et à partir du seul texte de Degrelle, de quoi sont faits un cerveau et un corps fascistes. Il s'inspire pour cela des travaux de Klaus Theweleit sur «le mâle-soldat» distinguant, dans le lexique des «Freikorps», le sec et l'humide. Le sec désignant la carapace intègre, impénétrable, du combattant allemand dressé, tel un phallus, contre les forces liquides du mal et l'humide définissant l'ennemi, c'est-à-dire la boue, le visqueux, la femme impure, le marécage de la République ou la marée rouge du communisme. Et Littell de citer ces phrases éloquentes de Degrelle: «La plus grande et la plus rapide victoire militaire de tous les temps fut stoppée, au stade final, par de la boue, rien que par de la boue, la boue élémentaire, vieille comme le monde, impassible, plus puissante que les stratèges, que l'or, que le cerveau et que l'orgueil des hommes.»

Il n'est pas surprenant que Jonathan Littell ait travaillé à l'anatomie du discours fasciste de Degrelle pendant qu'il écrivait «les Bienveillantes». Car les mots du bourreau SS Max Aue sont souvent les mêmes que ceux du commandeur de la division «Wallonie.» Et ce qu'il dit de Léon Degrelle, photographié en 1983, vaut pour le narrateur des «Bienveillantes»: «Tout me porte à croire que, pour lui, le temps s'est littéralement arrêté en 1945; ou plutôt que, ayant désembrayé par rapport à la réalité incarnée par la guerre, ce temps a continué de tourner en roue libre, dans le cycle glacial de la pure répétition, laissant un Degrelle évidé comme figé dans ses productions mentales, maintenu rigide et protégé du réel par son uniforme SS comme un homard l'est par sa carapace.»

Léon Degrelle avec ses enfants, sur un blindé, à Bruxelles en 1944
C'est la photo d'une résistante russe pendue par les nazis qui, en 2001, avait poussé Jonathan Littell à se lancer dans l'aventure tératologique des «Bienveillantes». Tout au long de cette étude syntaxique et psychanalytique de Léon Degrelle, la photo joue également un rôle déterminant. De page en page, on voit en effet se constituer, plastronner et parader le corps triomphant du nazi belge, depuis ses premiers discours sous l'aigle bicéphale du Saint Empire romain germanique jusqu'à ses rencontres avec Hitler et Goebbels. La plus réfrigérante de ces images montre Degrelle défilant à Bruxelles, le 1er avril 1944. Afin de mieux exalter cet instant de gloire, le chef hilare a hissé ses trois enfants sur son blindé, qui, avec lui, font le salut nazi. «La première fois que j'ai vu cette photo, note Littell dans la légende, elle m'a donné un violent sentiment d'horreur.» Seul moment où l'opiniâtre exégète fait parler son cœur.

J.G.





«Le Sec et l'Humide», par Jonathan Littell,
Gallimard, coll. «l'Arbalète», 148 p.,
15,50 euros (en librairie le 10 avril).

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