"LES MUSULMANS ET LE SEXE" de NADER ALAMI Editions GUMUS

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Recueil de Poésie en Hommage à Jenny Alpha

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Couv "LES PLEURS DU MÂLE" Recueil de Slams d'Aimé Nouma Ed Universlam

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CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions

CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions
Sortie en librairie début mai 2013

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE
de GISELE SARFATI Editions PLUMES et CERFS-VOLANTS

samedi, mai 09, 2009

8MAI45
MEMOIRE
Source : le jdc.fr en ligne le 8 mai


Déporté à Auschwitz à 16 ans où sa famille a été assassinée, Sam Braun, originaire de Paris, fait, avec clarté et sagesse, le récit de sa déportation. Il délivre un message de tolérance pour que de telles atrocités ne se reproduisent plus.


Propos recueillis
par Fanny Delaire


Quels souvenirs gardez-vous de l'arrestation, le 12 novembre 1943, à Clermont-Ferrand ?

Je revis encore cette journée. Il était 6 h 30 du matin lorsque cinq ou six miliciens en imperméable ont frappé très fort à la porte. Ma maman a ouvert. Ils étaient venus arrêter mon père et nous ont embarqués ma mère, ma s'ur de 10 ans et demi et moi. Ils ont scellé la porte en laissant ma grand-mère à l'intérieur qui est décédée seule, faute de médicaments. Nous n'étions pas des Hommes mais des sous-Hommes, uniquement à cause de notre culture juive. La colonne vertébrale de tout ce que j'ai vécu est la déshumanisation à tous les niveaux. C'est ce point commun-là qui me revient et qui est le plus douloureux. Nous n'étions que des morceaux.


Avez-vous compris pourquoi on vous emmenait ?

J'étais de culture juive et non pas de religion
juive. Je ne me rappelle pas avoir mis les pieds dans une synagogue. Ancien combattant de la Première Guerre mondiale et Français, mon père ne pensait pas pouvoir être arrêté.
Comment s'est déroulée votre arrivée au camp d'Auschwitz ? L'arrivée fut des plus violentes. J'ai été séparé, sur le quai, de mes parents et de ma s'ur. Mon père asthmatique se tenait certainement le dos au moment où on l'a poussé du côté des femmes et des enfants. Nous étions près de 240 à avoir été sélectionnés aléatoirement pour se rendre à Auschwitz III, Buna-Monowitz, là où était également Primo Levi. On nous a demandé de nous déshabiller par moins 15 °C. Le soir-même, les 700 autres personnes du convoi étaient assassinées. J'ai demandé à un autre déporté où étaient mes parents. Il m'a montré la fumée qui sortait d'une cheminée de notre camp, où il n'y avait pas de fours crématoires, et m'a répondu : "Ils sont partis en fumée". Je sortais juste d'un milieu où j'étais materné par d'excellents parents, et tout ceci n'était pas conceptualisable. Ce n'est que deux jours après que j'ai réalisé.


Quelles tâches accomplissiez-vous au quotidien ?

N'ayant pas de profession, j'effectuais des travaux de terrassement. Nous n'avions pas été sélectionnés pour nos beaux yeux mais pour être des esclaves. Les adolescents n'existaient pas. Nous subissions le même traitement que les adultes. J'ai vécu toute mon arrestation dans une bulle, comme si ce qui m'arrivait n'était pas ma vie. Je me suis évadé par l'imaginaire et n'ai donc lié aucune relation sur place.


Connaissiez-vous le sort réservé à la plupart des déportés ?

Bien sûr. En milieu carcéral, on sait tout ce qui se passe. Le camp d'Auschwitz III était à 6 km du camp principal, des chambres à gaz et des fours crématoires. Nous savions ce qui se passait par le témoignage des déportés transférés d'un camp à l'autre.


Vous n'avez pas été libéré par les troupes russes le 27 janvier 1945. Que s'est-il passé ?

Depuis quelques mois déjà, bien que le temps n'existait pas dans les camps de concentration, nous entendions les canons se rapprocher. Le 18 janvier a débuté l'exode, la chose la plus inhumaine que j'ai connu. Nous couchions n'importe où et ceux qui ne pouvaient plus marcher étaient abattus d'une balle dans la tête ou mordu à mort par les chiens. J'émets une hypothèse personnelle au sujet de cette marche de la mort. Les SS croyaient encore à l'existence de l'arme secrète d'Hitler et ils nous emmenaient pour reconstruire l'Allemagne. Comme tout fanatique, ils avaient une mission : celle de débarrasser l'Europe des douze millions de Juifs. Tant pis s'ils perdaient la guerre.


Quand ce cauchemar a t-il cessé ?

Après quatre mois d'exode, j'ai été libéré de façon romanesque. Le train sur lequel j'étais embarqué s'est arrêté dans une gare pour faire descendre les malades. Atteint du typhus, j'avais perdu l'espoir et décidé d'en finir et de mourir. Nous étions une centaine à avoir été jetés hors du train. Les SS ont enlevé leur uniforme. C'étaient des membres de la Résistance tchécoslovaque et nous étions à Prague.


Pourquoi avez-vous attendu quarante ans avant de prendre la parole ?

Je ne pouvais pas. Je me racontais tellement de choses à moi-même que je n'avais pas le droit d'impliquer ni ma femme, ni mes enfants. Je ne voulais pas les faire souffrir.


Qu'est-ce qui a changé alors ?

Un jour en me rasant, j'ai vu dans la glace un vieux monsieur. Mes parents seraient morts pour rien si les enfants d'aujourd'hui ne connaissaient pas la vérité.


Comment expliquer l'horreur aux plus jeunes ?

Jean-Paul Sartre a dit : "On ne te demande pas ce qu'on t'a fait, mais ce que tu as fait avec ce qu'on t'a fait". Ce qui compte n'est pas le devoir de mémoire mais le travail de mémoire. Je témoigne au nom de tous les génocides. Ce n'est pas le détail qui prime, mais ce que j'ai appris : la liberté, la tolérance et le respect de l'autre, quel qu'il soit.

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