"LES MUSULMANS ET LE SEXE" de NADER ALAMI Editions GUMUS

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Recueil de Poésie en Hommage à Jenny Alpha

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Couv "LES PLEURS DU MÂLE" Recueil de Slams d'Aimé Nouma Ed Universlam

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CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions

CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions
Sortie en librairie début mai 2013

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE
de GISELE SARFATI Editions PLUMES et CERFS-VOLANTS

dimanche, avril 08, 2012

LECINEMAISRAELIEN
MIROIR
DELASOCIETEISRAELIENNE

Source : marianne2.fr en ligne le 8 avril 2012


Israël comme on ne l'a jamais vu


Danièle Heymann
Marianne


Sur le mode réaliste, mémoriel ou pacificateur, trois films aujourd’hui à l’affiche évoquent l’histoire des juifs. Parmi eux, « le Policier », de l’Israélien Nadav Lapid, s’impose avec une brutale évidence.


Pour mesurer l’audace et le courage que Nadav Lapid a dû déployer pour écrire et réaliser le Policier, il faut à chaque image se répéter que c’est bien un film israélien. Yaron (Yiftach Klein) est beau. Costaud. Il est policier d’élite à Tel-Aviv. Une camaraderie virile le lie à ses compagnons. Yaron va être père pour la première fois, on le voit masser longuement les cuisses, le beau ventre nu et rond de sa femme. Mais l’érotisation est plutôt celle du corps de ces jeunes hommes, de leurs armes pointées comme un prolongement de leur sexe. La caméra privilégie les gros plans, on est proche de ces garçons sportifs et rieurs. Même si l’on devine que l’entraînement, la traque obsessionnelle de « l’ennemi de l’extérieur » ne sont pas jeux d’enfant. Justement, il y a eu une bavure dans leurs rangs, un procès s’annonce. Un des membres de l’unité est malade. Cancer. Le groupe décide qu’il va tout prendre sur lui. Il accepte. Condamné pour condamné… Le Policier est pourtant bien un film israélien.

C’est alors qu’entrent en scène d’autres jeunes, israéliens eux aussi. D’abord lointains, irréels, telles des figurines d’un jeu vidéo violent, ils s’entraînent au tir. Le chef, silencieux et déterminé. Un autre, plein de doutes et de peurs maîtrisés. Et Shira (Yaara Pezig), frêle pasionaria blonde, qui s’entraîne à crier leurs slogans : « Il est temps pour les pauvres de s’enrichir et pour les riches de mourir », « L’Etat juif est devenu un Etat abject », « Les Palestiniens, eux, savent qu’ils sont occupés ». Une opération se prépare. Ce sera une prise d’otages pendant un grand mariage entre nantis. Trois invités « milliardaires » assis par terre, terrifiés, menottés, pistolets sur la tempe. En prime et en pleurs, la jeune mariée dans sa belle robe blanche. Un membre du commando hurle : « Tu n’as pas de visage, tu as un maquillage. Tu n’as pas de seins, tu as un soutien-gorge en dentelle. » En silence, lourdement armés, Yaron et ses camarades ont pris position dans la pièce d’à côté, on leur présente une photo d’un des preneurs d’otages. Un cri : « Le fils de pute n’est pas arabe ! » Shira, dans son mégaphone : « Policiers, vous n’êtes pas nos ennemis ! Vous êtes vous aussi opprimés ! » Les deux groupes ne sont séparés que par une cloison, enfermés, comme dit Nadav Lapid, « dans leur autisme existentiel », otages eux aussi de leurs certitudes inconciliables. Le film fratricide s’achève dans le sang. Eh oui, c’est bien un film israélien.

Sorti juste avant le début de la « révolution des tentes » à Tel-Aviv, certains l’ont jugé « prophétique », mais il a failli être interdit aux moins de 18 ans, au prétexte qu’il pouvait « donner de mauvaises idées », et l’est toujours aux moins de 14 ans. Nadav Lapid affirme avoir seulement voulu entreprendre « un travail de réflexion sur la possibilité ou l’impossibilité d’une révolte sociale en Israël ». Mission accomplie.

Ne cherchant pas à rivaliser avec le coup de force du Policier, deux autres films estimables et fragiles, faisant le grand écart entre le passé tragique et le présent tumultueux du peuple élu, se sentent aussi, étrangement, chargés de mission. Mission mémorielle pour un cinéaste belge, Olivier Van Malderghem, qui justifie de façon très touchante son choix insolite d’une relecture talmudique de la Shoah :
« Je crois que j’aurais été plus heureux si je n’avais pas connu l’histoire
d’Anne Frank. » Dans Rondo, il raconte le vagabondage douloureux d’un adolescent, Simon (Julien Frison), à travers ses souvenirs. Son père arrêté devant ses yeux, en 1942, à Bruxelles. Puis l’Angleterre, où un réseau de résistance l’a envoyé. Et son grand-père, Abraham, qui s’y trouvait. Aucun réconfort à attendre de ce vieil érudit intolérant. Abraham, à qui Jean-Pierre Marielle donne un impressionnant relief de souffrance et de colère, ne parle qu’avec Dieu. La guerre avance, on parle des rafles, des déportations, des camps, Abraham dit non, Dieu n’abandonne pas les juifs. Jusqu’au moment où, à la synagogue, devant ses pairs, dans une invective désespérée, il concède que Dieu est fou… C’est Simon qui raconte tout cela à sa mère retrouvée, dans les allers et retours brumeux où le film s’enlise peu à peu.

Lorraine Lévy, cinéaste française, s’est pour sa part assigné une mission pacificatrice. Son film, le Fils de l’autre, pourrait aussi bien s’intituler La vie (n’)est (pas) un long fleuve tranquille, reprenant très exactement le schéma du célèbre film d’Etienne Chatiliez (1988), tout en l’adaptant à la région. Cette fois, c’est lors d’un bombardement sur une clinique d’Haïfa que deux bébés ont été échangés à la naissance. Un petit juif a été remis à une famille palestinienne de Cisjordanie, on l’appellera Yacine. Et un petit musulman a été attribué à une famille israélienne de Tel-Aviv, il sera nommé Joseph. Tentant postulat. Hélas, ligotée par des scrupules aussi louables que handicapants, voulant éviter de prendre un parti pris politique ou idéologique qui la dépasserait, craignant surtout de se mêler de ce qui ne la regardait pas, Lorraine Lévy est passée, par timidité, à côté de son grand sujet. Lorsque Joseph, 18 ans, est sur le point d’entamer son service militaire, une simple prise de sang permet la traumatique révélation. Ses parents ne sont pas ses parents. Il interroge : « Je ne suis plus juif ? » Pas si simple. Il faut prévenir l’autre famille, passer les check points, longer ce mur gris qui écartèle le paysage et les consciences, arriver dans un autre monde. C’est ici que cela se gâte, devenant une sorte d’intifada au pays des Bisounours. Une fois la sidérante nouvelle partagée, les pères (Pascal Elbé, Khalifa Natour) sont très contrariés, les fils (Jules Sitruk, Mehdi Dehbi) deviennent de bons camarades, les mères (Emmanuelle Devos, Areen Omari) sont les artisans admirables d’une réconciliation aussi souhaitable qu’utopique. Eminemment sympathique, terriblement naïf. Restent les intentions, excellentes, reste le jeu d’Emmanuelle Devos, pudique et sensible. Au fait, comment dit-on « vœu pieux » en hébreu ?


Le Policier
de Nadav Lapid, en salles ; Rondo d’Olivier Van Malderghem, en salles ; le Fils de l’autre de Lorraine Lévy, en salles depuis le 4 avril.

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