LOFFENSIVEMASSIVE
DISRAËL
CONTRELEHAMAS
Source :
Etudiants juifs - étudiants musulmans,
entretien croisé
SERIE IEP - Toute la semaine, LibéLyon ouvre ses colonnes aux étudiants de la première promotion de la spécialité "Journalisme, médias et territoires" de l'Institut d'études politiques (IEP) de Lyon. Yassine Abaza et Yohan Sportouche font respectivement partie des Etudiants Musulmans de France (EMF) et de l’Union des Etudiants Juifs de France (UEJF), qui ne se considèrent pas comme des syndicats. A travers leur engagement (souvent critiqué), ils souhaitent faire tomber les préjugés. Montrer qu’on peut être attaché à la laïcité tout en revendiquant une appartenance religieuse…
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager
dans l’EMF et l’UEJF?
Yassine Abaza :
Je me suis engagé dans l’EMF en 2004. A cette époque, il y avait des tensions à cause de la loi sur la laïcité interdisant le port du voile. Je souhaitais changer l’image de l’islam dans la société française. On l’assimile encore trop souvent à la violence et la peur. M’engager dans une organisation reconnue par l’Etat, plongée au cœur de l’univers étudiant, me paraissait être une bonne solution pour faire évoluer les mentalités.
Yohan Sportouche :
Ça fait maintenant trois ans et demi que je suis à l’UEJF. Mon frère en faisait partie, il m’a proposé de venir pour voir à quoi ça ressemblait. A cette époque, c’était le début du programme « Coexiste », qui vise à lutter contre le racisme et l’antisémitisme dans les collèges et les lycées. J’ai aimé l’idée de servir à la fois la communauté juive, le dialogue inter – religieux, et la lutte contre toutes les formes de discriminations.
Vous considérez-vous comme
des« militants religieux »?
Yassine Abaza :
Je pense qu’à partir du moment où on s’engage et qu’on se bat pour un monde meilleur, on est militant. Mais je ne me considère pas comme un militant religieux du tout. Je tiens à rappeler que l’EMF n’est pas une organisation religieuse. Son but premier est de faciliter la vie de tous les étudiants, qu’ils soient musulmans ou non.
Yohan Sportouche :
Je me considère comme militant, mais non plus pas comme militant religieux. L’UEJF souhaite véhiculer des valeurs universelles telles que l’égalité, le respect d’autrui. Ces principes s’adressent à tout le monde, et pas uniquement aux juifs.
En 2004, les élections du CROUS ont été très médiatisées. L’EMF comme l’UEJF, qui ont présenté des listes, ont été accusés de communautarisme par les syndicats étudiants.
Yassine Abaza :
On oublie trop souvent que la France est indivisible mais plurielle. On assimile laïcité et non-religiosité, religion et communautarisme. Pour moi, militer au sein de l’EMF c’est montrer qu’on peut se sentir à la fois Français et musulman. Je considère que la laïcité, en permettant la liberté de culte, est le meilleur moyen pour moi de pratiquer ma religion. Le « M » de l’EMF est une ouverture et non pas le signe d’un repli communautaire. Ca apporte de la richesse au monde universitaire, c’est un moyen de croiser les cultures et de montrer le vrai visage de l’islam.
Yohan Sportouche :
L’UEJF est communautaire par définition, mais pas communautariste. Nous le serions si nous nous tenions à l’écart de l’université. Nous sommes avant tout une union d’étudiants: nous voulons nous impliquer dans la vie de l’université, intervenir en luttant contre tous les racismes, pas seulement contre l’antisémitisme. Notre action a une portée universaliste. De plus, je ne vois pas en quoi s’assumer en tant que Français, étudiant et juif tout à la fois relève du communautarisme.
L’existence de l’EMF et de l’UEJF ne témoigne-t-elle pas d’un certain échec des instances traditionnelles à intégrer et représenter les étudiants musulmans et juifs ?
Yassine Abaza :
D’une certaine manière si. Les étudiants musulmans ont des besoins spécifiques qui ne sont pas toujours pris en compte. Je pense notamment aux étudiantes à qui on interdit de passer les examens parce qu’elles portent le voile. Je trouve ça inadmissible. Echec aussi parce que malheureusement militer au sein d’une telle organisation est un des seuls moyens pour nous d’être visibles. Mais en même temps, l’EMF permet aux étudiants musulmans de partager l’identité, la culture de leurs parents, et je pense que c’est important.
Yohan Sportouche :
Un échec, je ne sais pas. C’est vrai qu’au début, l’UEJF a été créée pour permettre aux étudiants juifs rescapés de la Shoah de s’intégrer dans les universités, car ce n’était pas facile à l’époque. Mais aujourd’hui le contexte n’est plus le même. Les valeurs qu’on défend sont moins spécifiques aux personnes de confession juive. Nous revendiquons quand même certains droits, comme ne pas avoir d’examen le jour du Shabbat. Mais ce type de revendications n’est plus notre priorité.
Que répondez-vous à ceux qui vous accusent d’extrémisme ?
Yassine Abaza :
Déjà il faut savoir que même des musulmans nous taxent d’extrémistes. Ils ne comprennent pas notre engagement. Mais je leur réponds que l’existence de l’EMF est justement un moyen de limiter cet extrémisme. Il permet de mieux faire connaître l’islam et de mieux l’intégrer, grâce à une organisation reconnue par les institutions. Et cette intégration constitue une barrière au fondamentalisme, que nous craignons autant que n’importe qui.
Yohan Sportouche :
Il n’est pas rare qu’on nous accuse d’extrémisme, notamment par rapport à notre position sur Israël. Dans ces cas-là, on explique en quoi les gens qui portent de telles accusations ont tort. Par exemple concernant Israël, on leur rappelle que nous sommes favorables à l’existence de deux Etats, que les Palestinien ont droit à leur propre Etat.
Avez-vous l’impression que votre combat porte ses fruits, que l’image des communautés juives et musulmanes évolue dans la société française ?
Yassine Abaza :
On organise continuellement des conférences, des rencontres culturelles auxquelles tout le monde est convié. On a déjà franchi une première étape : les institutions ne montrent plus de méfiance à notre égard, elle nous soutiennent. C’est un grand pas en avant. C’est plus difficile de faire évoluer les mentalités dans la population, mais ça vient petit à petit.
Yohan Sportouche :
Même s’il a régressé ces dernières années, il existe encore un antisémitisme populaire, banalisé, contre lequel il est difficile de lutter. D’une manière générale, il y a encore en France un usage décomplexé de nombreux préjugés sur diverses minorités. C’est pourquoi nous poursuivons le programme « Coexiste », qui va certainement s’étendre à tous les collèges et les lycées, afin de lutter contre le racisme à sa source.
Sarah Lecoq
Revue de presse, panorama du monde, blog de lutte contre l'antisémitisme et le racisme, ouvert au dialogue, l'autre image d'Israël, la culture juive à la rencontre de toutes les cultures, le monde juif tel qu'il est.
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