CHRONIC


Le camp de la paix est Orphelin


Célébré dans le monde entier comme un «combattant de la paix», et considéré comme le «père spirituel» du mouvement pacifiste israélien et de la gauche sioniste, Abbie Nathan est s’est éteint ce 27 août à l’âge de 81 ans, dans un hôpital de Tel Aviv.
La disparition de Abie Nathan, l’une des figures les plus controversées d’Israël, est perçue aujourd’hui comme une perte inestimable pour le camp de la paix. Il fut à la fois un patriote fidèle à son jeune pays mais aussi un bâtisseur de l’approche pacifiste. D’ailleurs il fut parmi les premiers pilotes de l’aviation israélienne puis devint dans les années 60, l’un des chefs de file du camp de la paix.

Abie Nathan est né en 1927 en Iran. Elevé en Inde, il était éduqué dans un pensionnat catholique de Bombay. En 1945, il émigre en Israël et intègre les rangs du Palmah alors qu’il avait tout juste 17 ans. Lors de la seconde guerre mondiale, il s’engage dans Royal Air Force pour combattre contre les Allemands. Plus tard, lors de la guerre d’Indépendance en 1948, il devient l’un des premiers pilotes de l’aviation israélienne.

Dans les années 50, Abie Nathan pilote des avions de ligne pour la compagnie nationale israélienne El Al. En 1965, décide d’ouvrir un restaurant à Tel Aviv du mon de « Californie » qui deviendra très vite un centre de la vie bohémienne. Cette même année, il décide de se présenter à la Knesset sur une liste indépendante « Ness » (miracle) comme représentant du ‘citoyen de base’ mais il n’obtient pas assez de voix.

Il deviendra célèbre en 1966 lorsque qu’il effectue un vol vers l’Egypte à bord d’un petit monomoteur qu’il peint en blanc et sur lequel il écrit en hébreu, en arabe et en anglais le mot « paix ». Le but de ce vol est de persuader le fou Nasser de ne pas entrer en guerre avec Israël et d’engager un processus de paix. Lorsqu’il revient en Israël, il est arrêté par les autorités pour avoir eu des contacts avec l’ennemi.

En 1969, il se rend à Amsterdam pour acheter un navire, qu’il baptise du nom de « Voice of Peace » puis entreprends une tournée à New York en vue de collecter les fonds nécessaires pour sa nouvelle entreprise : une station de radio. John Lennon, entre autres, l’aidera financièrement.
Il fut le fondateur de la station de radio « la voix de la paix » qui émis depuis un bateau naviguant en dehors des eaux territoriales d’Israël. Après bien des péripéties, la nouvelle radio « la voix de la paix » commence à émettre en mai 1973. N’ayant pas reçu la permission des autorités israéliennes d’ouvrir une station de radio, « la voix de la paix » émettra depuis ce navire acquis, battant pavillon panaméen, en dehors des eaux territoriales d’Israël. Ce sera la première radio pirate dans l’histoire d’Israël. Pendant 20 ans, Abie Nathan s’efforcera de faire passer son message sur les ondes.

La « Voix de la Paix » fut très populaire auprès des jeunes parce qu’elle fut l’une des rares radios de la région à diffuser de « la musique branchée » surtout en anglais. Grâce à son émetteur puissant (50 kW), ses programmes, diffusés en anglais, hébreu, français et arabe, ont été écoutés dans de nombreux pays du Proche-Orient : Israël, Jordanie, Syrie, Chypre, Liban, Égypte et autres pays arabes.

Après l’arrivée au pouvoir du Likoud, Abie Nathan se lance dans une véritable lutte contre son gouvernement. Dans les années qui suivirent, il rencontra des personnalités peu fréquentables de l’OLP, dont Yasser Arafat, violant la loi israélienne interdisant des contacts avec l’ennemi. A cause de cela, Abie Nathan fit régulièrement des séjours en prison. En 1989, il passa 122 jours derrière les barreaux, ce qui ne l’empêcha pas de recommencer.

En 1991, il entreprend une grève de la faim pour protester contre la loi interdisant à des Israéliens de rencontrer des membres de l’OLP. Suite à l’intervention personnelle de Hayim Herzog, le président de l’Etat de l’époque, Abie Nathan mettra un terme à cette grève de la faim de plus de 40 jours.
Très fortement endetté, il décide la liquidation de la station de radio et les émissions s’arrêtent le 1er octobre 1993. Après la signature des Accord d’Oslo, voyant déjà la paix à l’horizon, Abie Nathan, surpris tout le monde : il coula le navire de "La Voix de la paix". Alors qu’il séjournait à Washington en 1996 où il se consacrait à l’écriture de son autobiographie, il eut une attaque cérébrale. Il termina ses jours, paralysé et oublié du public .

Avec la disparition de Abie Nathan le camp de la paix demeurera Orphelin. Un vibrant hommage, mérite d’être rendu jusqu‘au Monde arabe à cet homme engagé qui avait souhaité que l’on grave un seul mot, en hébreu, sur sa tombe : «Nissiti» («J’ai essayé»).
Nous devons s’incliner en hommage à tous ces hommes, qui ont lutté jusqu'à leur mort pour la paix. Notamment en Israël avec Ytazk rabin, mais également avec toute celle et tout ceux connus ou inconnu, qui lutte pour la paix dans le monde.



Souhail Ftouh, Tunis
Citoyen du monde