ENSEMBLE
Source : la newsletter de evene.fr
diffusée le 9 juin
INTERVIEW DE MARYSE CONDE
REPENSER L'INDENTITE
Propos recueillis
par Thomas Flamerion pour Evene.fr
L'auteur de l''Histoire de la femme cannibale' est de retour en librairie avec 'Les Belles Ténébreuses'. Un roman sombre et désopilant qui confronte quête identitaire, manipulation, fanatisme et préjugés dans une aventure rocambolesque.
Le festival Etonnants Voyageurs de Saint-Malo était très fier de recevoir Maryse Condé pour sa 19e édition. Et pour cause, non seulement l'écrivain française incarne elle-même ce mélange des cultures si cher à la manifestation malouine, mais son dernier roman, 'Les Belles Ténébreuses', s'inscrit idéalement dans la thématique de la migration, d'une définition non plus structurelle mais fluctuante de l'identité.
Rencontre avec une écrivain rare, lucide pour qui le rire est une force vive.
Comment sont nés les personnages hauts en couleur des 'Belles Ténébreuses' ?
Il y a un peu de réalité là-dedans. Un de mes étudiants devenu avocat s'appelle Kassem Ramzi. Il me racontait toujours les problèmes qu'il avait, dans les aéroports, où on l'arrêtait parce qu'on le prenait pour un terroriste, où la police le gardait des heures et des heures… Il m'a sensibilisée au problème des jeunes Arabes. A partir de là, j'ai commencé à penser que les Antillais, souvent, parce qu'ils sont métis, sont pris pour des Arabes. Donc finalement, le livre est né un peu de ce rapport avec Kassem Ramzi. Et pour m'amuser, j'ai divisé cette personne en deux. Le bon, un peu bête, c'est Kassem, et Ramzi c'est le rusé et le victorieux.
Le thème du Festival de Saint-Malo cette année est la migration, cette idée de superposition d'identités. Il semble que votre roman tombe à pic…
Oui, mais le roman était déjà écrit. Il abordait justement ce thème qui à mon avis devient de plus en plus important. Surtout pour quelqu'un comme moi qui vit à New York. Nous y vivons entre immigrés. Il n'y a que des gens qui viennent d'Haïti, des Antilles, de pays européens... On se retrouve là et on forge une nouvelle forme de vie ; on commence à perdre la notion de pays d'origine, d'identité nationale. J'ai l'impression que l'on commence à être et à créer à partir du moment où l'on est ensemble à New York.
Il y a maintenant un ministère de l'Identité nationale en France. Cette notion vous paraît-elle absurde ?
Je ne suis pas trop au courant de ce qu'il passe en France, mais elle me paraît terriblement à la traîne en ce qui concerne les grands problèmes modernes. Par exemple ici, à Saint-Malo, il y a si peu de minorités, comme on dit aux Etats-Unis, si peu de Noirs, d'Antillais, d'Africains, si peu de gens qui viennent d'ailleurs. Il n'y a que des Français au bon teint. C'est un peu bizarre pour moi. J'ai l'habitude de fréquenter des gens qui viennent de partout, qui se retrouvent autour d'un événement. Parfois, quand je parle de la manière dont j'ai construit 'Les Belles Ténébreuses', j'ai l'impression que des gens ne sont pas sur la même longueur d'ondes. Je ne sais pas si les Français sont tellement d'accord avec l'idée qu'il faille définir l'identité autrement. Je crois que pour eux l'identité, la langue, ce sont des acquis, qui ne changent pas. Tandis que les gens avec qui je vis savent bien qu'on peut changer de langue du jour au lendemain, se mettre à parler anglais, à écrire en anglais, à penser plus ou moins en anglais, que le monde est ouvert.
Suite de l'interview
http://www.evene.fr:80/livres/actualite/interview-maryse-conde-belles-tenebreuses-1377.php
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