"LES MUSULMANS ET LE SEXE" de NADER ALAMI Editions GUMUS

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Recueil de Poésie en Hommage à Jenny Alpha

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Couv "LES PLEURS DU MÂLE" Recueil de Slams d'Aimé Nouma Ed Universlam

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CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions

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Sortie en librairie début mai 2013

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE

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de GISELE SARFATI Editions PLUMES et CERFS-VOLANTS

lundi, novembre 08, 2010

LAPRESSEISRAELIENNE
ETLAPRESSEAMERICAINE
DEMENTENT
LANTISEMITISMEDU
CINEASTESUISSE
JEAN-LUCGODARD
QUIDOITRECEVOIRUNOSCAR
Source : rue89.com en ligne le 8 novembre



Oscars :
« Non, Jean-Luc Godard
n'est pas antisémite ! »


Par Antoine de Baecque
Historien


Dans le journal israélien Haaretz, puis dans le New York Times et le Los Angeles Times, revient un sous-entendu qui a force d'évidence : en remettant leur récompense à Jean-Luc Godard, le 13 novembre, les Oscars rendent hommage à un antisémite. Il s'agit même d'une affirmation barrant en gros caractères la page culturelle du journal californien. Alors que cette rumeur est un cliché péremptoire et faux concernant un cinéaste à l'œuvre incomparable, comme une tache permettant de déconsidérer les films, les écrits, la pensée et la personnalité du cinéaste.


En France, c'est davantage une question, comme la posait Le Monde sur une pleine page en début d'année 2010 : « Godard est-il antisémite ? » Question à laquelle il faut répondre par la négative : « Non, Godard n'est pas antisémite ! »

Dans son « bloc-notes » du Point, le 8 avril, Bernard-Henri Lévy réfutait lui aussi, en une réponse circonstanciée, cette réputation faite de rumeurs, de on-dit, de petites phrases cinglantes ou ignobles prononcées en privé mais jamais écrites, évidemment. BHL y voit une « démarche de disqualification de plus en plus courante en cette basse époque de police de l'art et de la pensée ».


Un engagement antisioniste ancien

Dans plusieurs chapitres de la biographie que j'ai consacrée récemment à Godard (Grasset), je reviens sur la « question juive » chez le cinéaste, sur une trentaine de pages.

Je tente d'expliquer, documents à l'appui, les positions du cinéaste qui, avec une extrême constance, de 1969 (quand il tourne dans les camps palestiniens un film militant intitulé « Jusqu'à la victoire ») à 2004 (« Notre musique ») et même au « Film socialisme » de 2010, se caractérisent par un antisionisme virulent, une solidarité profonde, y compris parfois aveugle, avec les Palestiniens, et un rapport permanent, interrogatif, critique, parfois obsessionnel, mais jamais haineux ni antisémite, au « fait juif ».

Pour Godard, la Shoah se place au centre de l'histoire du XXe siècle -il est le contraire d'un négationniste-, enclenchant une forme de malédiction : les anciennes victimes deviennent les bourreaux.

Ce qui fut fondateur de l'Etat d'Israël devient bientôt sa culpabilité, par un retournement paradoxal de l'Histoire : les Israéliens, en niant les Palestiniens, en occupant leur territoire, en les colonisant, se transforment en grand coupables.

« Les juifs font aux arabes, ce que les nazis ont fait aux juifs », lance Godard dans « Ici et ailleurs » en 1975 pour illustrer ce paradoxe. Phrase d'une extrême violence certes, mais absolument banale dans le contexte de l'engagement pro-palestinien de la gauche française après la Guerre des six jours (1967). Phrase qui vise non pas « le juif » comme peuple mais comme incarnation de l'Etat d'Israël.

De même, toujours dans « Ici et ailleurs », une image de Golda Meir, alors premier ministre israélienne, clignote parallèlement à celle d'Hitler. Ce rapprochement n'est pas une comparaison -ce n'est pas « Golda Meir = Hitler » - mais un montage, au sens godardien, mettant en rapport deux images qui ne sont pas équivalentes, mais dont la réunion produit du sens.

Ce sens -les anciennes victimes sont devenues les bourreaux- est sûrement excessif, historiquement et philosophiquement, mais il n'est pas antisémite. Ce sens peut, doit, être discuté, soulever des polémiques, être réfuté dans le cadre d'un débat d'opinions, il n'est pas condamnable au sens strict comme le serait une position antisémite.


Un antisioniste pessimiste
qui ne croit pas la paix possible

Croit-on que BHL ou Claude Lanzmann discuteraient avec Godard s'il était un antisémite
? Godard est un antisioniste pessimiste qui ne croit pas la paix possible entre Israéliens et Palestiniens.

Sur ce sujet qu'il sait sensible, il joue cependant un jeu dangereux, adorant provoquer, susciter la controverse, et il parsème nombre de ses films et de ses entretiens, depuis plus de trente ans, de jugements à l'emporte-pièce, d'expressions de son radicalisme, ou de montages d'images sans doute caricaturaux, forcés, peu raisonnables.

Mais ceci relève de l'histrionnisme intellectuel et médiatique, non pas de l'antisémitisme.

Que la personnalité de Godard soit peu aimable, excessive, provocatrice, voire perverse, il n'y a guère de doute, mais attaquons-le sur ce point, sans placer dans la balance des reproches une accusation injuste.

Crier aujourd'hui au « Godard antisémite », c'est faire fi de l'Histoire et des engagements de la gauche française d'il y a quelques décennies auxquels le cinéaste reste fidèle. C'est ce décalage qui choque : quarante ans après, que reste-t-il à gauche de l'antisionisme ? , voilà la vraie question.

Qu'il y ait une part d'aveuglement, voire d'erreur, dans cet engagement, on peut le penser, mais y voir de l'antisémitisme, c'est je le crois un contre-sens, un jugement moral rétrospectif et déformant.

Dans son bloc-notes du Point, Bernard-Henri Lévy s'appuyait sur une série d'expériences personnelles : plusieurs projets, à chaque fois inaboutis, de collaboration avec Jean-Luc Godard.

•Le philosophe évoquait ainsi une fiction au cœur des ténèbres, tournée en Inde, où Godard en Brando crépusculaire aurait joué un Kurtz architecte dans une ville en ruines ;
•« Pas un dîner de gala », débat sur la Shoah entre Lanzmann et Godard arbitré par lui-même ;
•enfin, pas plus tard qu'en 2006, un film-voyage en Israël, « Terre promise », que devaient entreprendre le cinéaste et le philosophe, devant une caméra, projet qui échoua quand le premier proposa d'y adjoindre un troisième homme, Tariq Ramadan, ce que refusa le second.

Publier le projet de Godard et BHL

La meilleure façon de disculper définitivement Godard de l'accusation d'antisémitisme serait donc de publier les lettres, notes, documents préparatoires de ces projets, auxquels Bernard-Henri Lévy fait allusion. Mieux même : ce serait un passionnant dossier qui nous plongerait dans l'Histoire, la création, la pensée de notre temps.

Jean-Luc Godard devrait aller recevoir son Oscar, le 13 novembre, avec sérénité et fierté, le regard droit, le salut fraternel. Il n'a pas besoin de raser les murs ou de jouer les abonnés absents.

Et les autorités culturelles françaises, Frédéric Mitterrand depuis son ministère, Véronique Cayla depuis le Centre national du cinéma, devraient quant à elles apporter leur soutien officiel à un cinéaste franco-suisse dont l'œuvre a contribué, depuis cinquante ans, à la réputation de la France dans le monde.

Il y a peu de cinéastes français susceptibles de recevoir une telle récompense, et voici une occasion solennelle et spectaculaire, pour les huiles françaises, de montrer avec Godard une forme de solidarité dans l'adversité.

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