LESCOLONS
AHEBRONDEFIENT
LETATHEBREU
Source : lefigaro.fr en ligne le 21 novembre
Les colons juifs d'Hébron ne cèdent rien
De notre envoyé spécial à Hébron,
Adrien Jaulmes
Leur refus de quitter une maison achetée en 2007 à un Palestinien peut à nouveau mettre le feu aux poudres dans la ville qui abrite le Tombeau des patriarches.
C'EST UNE grosse maison moderne, massive, haute de quatre étages, accrochée dans une pente à l'est d'Hébron. Sur le toit plat hérissé de fers à béton, un poste de l'armée israélienne, avec deux soldats à l'air blasé qui montent la garde. D'un côté, on aperçoit la colonie juive de Kiryat Arba. De l'autre, les maisons blanches de la ville palestinienne.
Sur la façade de la maison, une grande banderole proclame en hébreu : « Nous continuons l'achat d'Abraham, du Caveau des patriarches à Beit Hashalom. » Les colons juifs, qui soutiennent avoir acheté légalement la maison en 2007 à son propriétaire palestinien, ont nommé l'édifice « Beit Hashalom », la « maison de la paix ». Mais la presse israélienne l'a surnommée « Beit Meriva », la « maison de la discorde ».
Le bâtiment est devenu un enjeu potentiellement explosif entre les autorités israéliennes et les colons juifs radicaux de Cisjordanie. La Cour suprême israélienne a décrété dimanche dernier la transaction illégale, et l'évacuation du bâtiment dans les trois jours.
Le délai a expiré, mais les colons occupent toujours les lieux. Malgré ses engagements répétés d'empêcher le développement de colonies illégales en Cisjordanie, le gouvernement israélien du premier ministre démissionnaire Ehoud Olmert redoute de mettre le feu aux poudres et de se heurter aux colons d'Hébron, les plus radicaux, les plus déterminés de tous.
Somme de haine et de rancunes
Devant les portes de fer du rez-de-chaussée de la maison, fermées par des soudures au chalumeau, traînent des jeunes colons juifs radicaux. Certains n'ont pas plus de quinze ans. Ils défient à peu près tout le monde : les autorités israéliennes, une majorité de l'opinion et les habitants palestiniens. « Qu'est-ce que tu fous là ? Rentre chez toi », lance l'un d'eux, cigarette au bec, à un Palestinien qui passe d'un pas rapide devant le bâtiment, sans répondre ni lever la tête, ni jeter un coup d'œil.
Mercredi soir, une bande de ces jeunes extrémistes a brisé par des jets de pierres les vitres de la mosquée voisine, écrit à la peinture « Mahomet est un cochon » sur la façade, et tracé des étoiles de David sur les tombes du cimetière musulman. Les soldats de la brigade Givati, stationnée à Hébron, sont intervenus sous une grêle de pierres. L'un d'eux a reçu une giclée de térébenthine dans la figure. Le matin, l'armée a recouvert de peinture blanche les graffitis.
L'état-major a laissé entendre que l'évacuation de la maison litigieuse pourrait intervenir dans un délai de trente jours. Mais les habitants de la maison, renforcés par les jeunes extrémistes, sont déterminés à s'opposer par tous les moyens à l'évacuation. Les familles installées dans l'édifice à peine terminé, entre des cloisons de contre-plaqué clouées dans les pièces de ciment brut, sont celles de deux des enfants du rabbin Moshe Levinger, religieux radical qui s'était installé à Hébron en 1968, peu après la conquête de la Cisjordanie par l'armée israélienne pendant la guerre des Six-Jours.
« Si les autorités décident de nous expulser par la force, nous résisterons », prévient David Wilder, le porte-parole des colons d'Hébron. « Et elles en porteront la responsabilité. La décision de la Cour suprême est politique, pas juridique. Dans aucun pays quelqu'un peut-il être empêché d'acquérir légalement un bien. Pourquoi cela serait-il interdit ici ? Pourquoi des juifs ne peuvent-ils pas acheter une maison à Hébron ? »
Les pèlerins affluent
Hébron est une sorte de résumé miniature du conflit israélo-palestinien. La somme de haine et de rancunes, l'opposition absolue, irréductible, entre colons juifs et habitants palestiniens font de la ville une poudrière.
Les colons juifs sont déterminés à vivre dans la ville, site du Tombeau des patriarches, lieu presque aussi saint que le Mur des lamentations à Jérusalem. Le site a été acquis, selon la Genèse, voici 4 000 ans. Abraham, le patriarche des trois religions, juive, chrétienne et musulmane, achète le caveau à Ephron le Hittite pour y enterrer sa femme, Sarah. Une communauté juive vit depuis à Hébron pratiquement sans interruption, jusqu'à son massacre en 1929 pendant la révolte arabe. Les colons entendent rétablir cette communauté.
Les Palestiniens dénoncent quant à eux l'arrogance de ces militants, installés au cœur de la vieille ville sous une importante protection militaire. La circulation des Arabes est pratiquement interdite dans cette partie de la ville. L'accès au tombeau des Patriarches, lieu saint commun aux musulmans et aux juifs, est séparé depuis la tuerie de février 1994. Baruch Goldstein, un habitant de la colonie voisine de Kyriat Arba, avait fait irruption en uniforme dans le sanctuaire et mitraillé au M-16 les musulmans en prière, faisant 29 morts.
Devant les murs de pierre, qui remontent à l'époque d'Hérode, les préparatifs battaient leur plein hier, en prévision d'un important pèlerinage juif, célébrant chaque année l'enterrement de Sarah dans le caveau. Des bus ont afflué toute la journée de vendredi, chargés de pèlerins. Des haut-parleurs diffusaient à tue-tête des chants religieux. Et l'armée israélienne a doublé ses gardes pour éviter d'éventuels incidents. Mais la confrontation avec les habitants de la « maison de la paix » n'est que reportée.
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