CAMPAGNE
ELECTORALE
AMERICAINE
Source : lenouvelobs.com avec l'Associated Press
en ligne le 1er octobre



L'énigme Sarah Palin



Pour Halloween, à quelques toutes petites journées du 4 novembre, le "déguisement Sarah Palin" faisait fureur aux Etats-Unis: signe que le choix-surprise de cette colistière hors normes par John McCain s'est transformé, pour le candidat républicain, au mieux en feuilleton à rebondissements, au pire en véritable épouvantail.


Atypique.

C'était le qualificatif de départ lorsque la très populaire, énergique et télégénique gouverneure de l'Alaska, 44 ans, mère de famille nombreuse, originaire de Wasilla et finaliste Miss Alaska en 1984, fut choisie comme candidate à la vice-présidence du parti républicain.
Dans le rôle de l'"étoile du nord" appelée à illuminer la campagne du vieux sénateur de l'Arizona et faire souffler un vent frais sur la politique: une femme, jeune, pour à la fois damer le pion aux 47 ans de Barack Obama et lancer des oeillades aux "déçues d'Hillary". Réformatrice, grande gueule et indépendante, donc assortie à un John McCain à l'image de franc-tireur. Mais aussi socialement conservatrice -farouchement opposée à l'avortement et au mariage homosexuel- pour séduire ce segment très droitier de l'électorat républicain, pas franchement convaincu par le vétéran du Vietnam.
"Holy cow" ("la vache"), lança Chuck Heath, papa de Sarah Palin lorsqu'il apprit qu'elle avait été choisie comme colistière de McCain. Un commentaire qui résumait assez bien la réaction du pays tout entier.

Car ce fut indéniablement un choix choc: première femme à devenir colistière sur un ticket républicain, elle est l'un des gouverneurs les plus populaires du pays. Mais si elle est incollable en pêche au saumon et chasse à l'élan, elle est totalement néophyte en politique étrangère, voire en politique intérieure, et l'a vite prouvé.
"Elle est exactement ce dont j'ai besoin. Elle se bat pour ce qui est bon, et elle ne laisse jamais personne lui dire de se taire", lançait le sénateur de l'Arizona en la présentant.
L'intéressée confirmait: "je ne suis pas entrée en politique pour faire des choses faciles et tranquilles. Un bateau à quai est en sécurité, mais ça n'est pas pour rester à quai qu'un bateau est construit".


Dont acte.

Depuis sa nomination en août, Sarah Palin n'a cessé de lutter dans la tempête. Une interview-catastrophe avec Katie Couric donne le ton: elle y enfile perles et maladresses (l'Alaska proche de la Russie pour toute carte de visite en matière de politique étrangère), donnant d'elle une image d'incompétence et renforçant les doutes sur sa capacité à diriger si besoin est un jour le pays.
Bientôt, il n'y en a plus que pour Sarah Palin: "pitbull" et rouge à lèvres, "hockey mom" et chasse à l'élan, bébé trisomique et grossesse de sa fille de 17 ans, forages pétroliers ("drill, baby, drill"...)... Avec ce style bien à elle, ses déclarations à l'emporte-pièce et ses attaques frontales contre Obama, son chignon et ses lunettes, elle déplace les foules et fait le bonheur des imitateurs, Tina Fey en tête.

Première femme gouverneur d'Alaska, après avoit été maire et conseillère municipale de Wasilla, et brièvement responsable de la Commission pour le pétrole et le gaz d'Alaska, Sarah Palin arrive au Capitole d'Anchorage en 2006, sur un programme de réformes éthiques. Faisant campagne contre la corruption, mal endémique dont souffrent les politiciens républicains de l'Alaska, elle prend une fois élue ses distances de la puissante vieille garde locale du parti, et augmente les impôts sur les bénéfices des compagnies pétrolières, remplissant ainsi les caisses de l'Etat.
Elle est aussi la bête noire des écologistes, fervente partisane du développement pétrolier, favorable même au forage dans la Réserve nationale arctique: elle est donc partie en guerre contre l'inscription des ours polaires sur la liste des espèces en danger. Ce qui ne l'a pas empêchée, après juste deux ans à la tête de l'Alaska, d'avoir une cote de popularité à 80%.
Une "casserole" va perturber la campagne: Palin est soupçonnée d'abus de pouvoir et d'avoir limogé un responsable public en raison d'une affaire à caractère privé impliquant sa soeur et l'ex-mari de cette dernière.

Sarah Palin habite toujours Wasilla, 6.500 âmes, avec son mari et leurs cinq enfants, dont le plus jeune, Trig, né en avril, est trisomique. Une tribu qui fera souvent campagne à son côté. Avec Todd, ouvrier dans le pétrole, qui a des origines eskimo et qu'elle fréquente depuis le lycée, Sarah Palin met en avant cette vie d'Américaine "comme tout le monde". Pourtant, en fin de course, on en apprendra sur ses factures: vestimentaire -150.000 dollars payés par le comité de campagne républicain pour ses toilettes et son maquillage, ou ces billets d'avion pour que ses filles l'accompagnent...

En tout cas, élue ou pas, Sarah Palin aura secoué l'establishment politique comme rarement. Franc-tireur, elle l'est au point que quelques semaines à peine après avoir été propulsée sur le devant de la scène, elle a déjà pris ses distances d'avec McCain. Et certains dans le camp conservateur se prennent à l'imaginer, en 2012...