PASSERELLE
Source : liberation.fr en ligne le 23 mai
Depuis une semaine, la ville israélienne est la cible de tirs du mouvement palestinien.
Climat de guerre à Sdérot,
sous les roquettes du Hamas
Par Daphné MATTHIEU
«I l y a encore de la place ?» crie d'une voix angoissée une jeune femme, une petite-fille dans les bras, ballottée par la foule qui se presse autour de l'autobus. Le véhicule, presque au complet, s'apprête à quitter le centre de Sdérot, à deux kilomètres de la bande de Gaza, pour une localité proche de la mer Morte. Un hôtelier y a offert des chambres afin que des habitants de la ville, en majorité des femmes et des enfants, puissent se détendre loin des tirs de roquettes.
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Violence. «Partez, partez, dépêchez-vous. C'est dangereux de rester ici. Tant pis si le bus n'est pas plein ; si une Qassam [type de roquette, ndlr] arrive, c'est la catastrophe», lance un homme à l'employée municipale qui tente vainement de faire correspondre la liste de noms qu'elle tient à la main avec ceux des passagers de l'autobus. La «catastrophe» s'est produite quelques heures après, lundi soir, à une centaine de mètres du point de stationnement du bus : une roquette a frappé de plein fouet une voiture, tuant la femme de 35 ans qui était au volant. C'est la première victime depuis le début des barrages de roquettes, tirées depuis la bande de Gaza, notamment par la branche armée du Hamas. En un peu plus d'une semaine, 140 roquettes ont touché la ville et ses environs, blessant une vingtaine d'habitants dont certains grièvement.
A Sdérot, ville de 24 000 habitants où vivent en grande majorité des immigrants pauvres venus des Républiques de l'ex-URSS, les tirs de roquettes font presque partie du quotidien depuis le début de la deuxième Intifada, en octobre 2000. En sept ans, plus de 1 500 roquettes ont touché la zone, tuant neuf personnes et en blessant des dizaines d'autres. Un centre spécialisé dans le traitement des symptômes posttraumatiques, qui touchent de nombreux habitants de la ville, a été ouvert et a fonctionné à plein régime ces derniers jours. Avec ces nouveaux barrages de roquettes, Naor Elbaz travaille plus de quatorze heures par jour dans sa vitrerie, un des seuls commerces du centre encore ouverts. «Mon chiffre d'affaires a augmenté de 50 %, mais je m'en serais bien passé, explique-t-il. C'est un miracle qu'il n'y ait pas eu plus de victimes. Ces roquettes réduisent les murs en miettes.» Les projectiles Qassam, fabriqués dans la bande de Gaza, n'ont pas cessé de se perfectionner ces dernières années. Ils portent le nom du bras armé du groupe islamiste palestinien Hamas, les Brigades Ezzedine al-Qassam.
Pour certains, un cap a été franchi avec les derniers barrages : la fréquence et la violence des tirs ont installé une atmosphère de guerre. «Jamais nous n'avons essuyé des tirs de cette intensité, explique Itzhik Biton, qui travaille depuis sept ans dans un fast-food oriental de la ville. Beaucoup d'habitants ont fui la ville, ça n'était encore jamais arrivé. En novembre, certains étaient partis dans les bus de Gaydamak [homme d'affaires israélo-russe] pour prendre l'air, mais cette fois-ci il n'y a plus rien, plus de marchés, plus de voitures, plus de passants. Toutes les boutiques sont fermées. Il n'y a plus que l'armée et la police de visibles. C'est la guerre.»
Mesures d'urgence. Depuis le début des tirs, plusieurs milliers d'habitants ont quitté la ville. Certains se sont réfugiés chez des proches. D'autres ont pu bénéficier des bus et des logements payés par le ministère de la Défense israélien ou par le milliardaire Arcadi Gaydamak pour passer quelques jours à l'écart. Parmi ceux qui restent, plusieurs se disent abandonnés par le gouvernement et ne cachent pas leur colère. «Nous voulons des dédommagements, comme cela a été le cas pour les habitants du Nord après la guerre de l'été dernier contre le Hezbollah, dit Itzhik, en précisant que le chiffre d'affaires de son restaurant a baissé de 70 % depuis le début des derniers barrages. Le gouvernement doit agir. Comment peuvent-ils permettre que des enfants soient obligés de se terrer dans des abris à longueur de journée comme des animaux ?»
Lundi soir, des habitants se sont rassemblés autour de la carcasse fumante du véhicule touché par la roquette, refusant de tenir compte des appels de la police les invitant à se mettre à l'abri de peur d'une nouvelle attaque. Ils ont manifesté en appelant le gouvernement à prendre des mesures pour en finir avec les tirs, brûlé des pneus de voiture, dévasté un bar et des magasins. La police a dû intervenir pour restaurer le calme.
Le Premier ministre, Ehud Olmert, s'est rendu sur place tard lundi et s'est entretenu avec les dirigeants locaux et les habitants. Il leur a promis un train de mesures d'urgence en faveur des localités limitrophes de la bande de Gaza, notamment la construction d'abris. Une promesse insuffisante, semble-t-il. Mardi matin, des habitants continuaient de scander dans les rues de la ville : «Olmert, démission !»
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