Traces juives en Afrique :
Tombouctou
Mise en ligne le 23/11/2005
sur www.ccjl.be
En 1492, la communauté juive de Touat, dans le Sahara du sud algérien, est l’objet de massacres importants(1). Qu’advient-t-il des rescapés?
L’hypothèse avancée par Jacob Oliel, spécialiste du sujet, est qu’une partie de la diaspora touatiennne se dirige vers le sud et tente de trouver refuge sur l’autre rive du Sahara, au Mali actuel, dont Tombouctou et environs. Différents témoignages en attestent le bien-fondé. Dès la fin du XVe siècle, on signale la présence de Banou Israël dans la région de la boucle du Niger, où des Juifs se seraient rendus célèbres par les puits qu’ils avaient creusés et dont les parois étaient enduites de beurre de karité, ainsi que par la qualité de leurs légumes arrosés d’eau. Bien plus tard, en 1865, le rabbin Mordekhaï abi Serour raconte avoir rencontré des Daggatoun, au cours de ses déplacements le long du Niger, qui lui auraient déclaré : Nous sommes des Juifs et nos ancêtres étaient originaires de Tamentit (au centre de Touat). Malgré leur islamisation, les Banou Israël ont continué à entretenir la mémoire de leurs origines juives et même, pour quelques-uns, leurs patronymes. Au cours de son voyage au Mali en 1996, Jacob Oliel a rencontré des Al Ihudi (Jehudi signifiant Juif en hébreu) et des Al Kuhin (provenant vraisemblablement de Cohen, prêtre en hébreu). Certains Juifs (ou descendants de Juifs) du Mali continuent à accompagner leur signature d’une Etoile de David (étoile à 6 branches) ou d’un Sceau de Salomon (étoile à 5 branches). Partant à la recherche des Daggatoun dont parlait Mordekhaï abi Serour, Jacob Oliel en retrouve la trace au nord du Mali, dans la région de Tombouctou, où des gens se déclarent sans ambages d’origine juive et touatienne. Pour exprimer dans leur langue la notion de «connaissance», ils utilisent le mot «Talmud» (qui est effectivement dérivé de l’hébreu limoud, étude). A l’ouest de Tombouctou, Oliel découvre qu’une tribu touareg utilise des prénoms comme Eli ou Izariyel et des patronymes comme Lewi. Dans son ouvrage La Politique culturelle, la fin d’un mythe (Gallimard, Paris, 2005), Jean-Michel Djian parle de Tombouctou, cité qui fut le siège d’une intense vie intellectuelle où des milliers de livres ont été écrits à la main, puis abandonnés à la poussière du désert. Actuellement, plus de 15.000 de ces documents ont été exhumés et répertoriés par l’Unesco; une passionnante histoire de l’Afrique, jusqu’à présent ignorée, émerge ainsi de la nuit de l’oubli. Certains de ces manuscrits remontent au XIIIe siècle. La plupart de ces précieux témoignages écrits du passé appartiennent à des personnes privées. Pour en connaître le contenu, il faut approcher ces propriétaires. L’un d’entre eux, M. Ismaël Diadé Haidara, a publié en 1999, aux Ed. Donniya, Bamako, un ouvrage qui s’intitule : Les Juifs à Tombouctou - Recueil de sources écrites relatives au commerce juif à Tombouctou au XIXe siècle. Il apparaît que les Juifs ont joué un rôle important dans la montée de l’or du Soudan vers l’Espagne chrétienne. C’est par eux qu’un des pères de la cartographie, Abraham Cresques (1325-1387)(2), établi aux Baléares, eut connaissance de Tombouctou, qui était reliée à l’Afrique du Nord par des chemins, dont les ports étaient habités par des Juifs. 1 Voir dans le Regards 603, p.6 : «Traces juives en Afrique : les Foggaras, un système d’irrigation original». 2 Son Atlas Catalan se trouve actuellement à la Bibliothèque Nationale à Paris.
L’hypothèse avancée par Jacob Oliel, spécialiste du sujet, est qu’une partie de la diaspora touatiennne se dirige vers le sud et tente de trouver refuge sur l’autre rive du Sahara, au Mali actuel, dont Tombouctou et environs. Différents témoignages en attestent le bien-fondé. Dès la fin du XVe siècle, on signale la présence de Banou Israël dans la région de la boucle du Niger, où des Juifs se seraient rendus célèbres par les puits qu’ils avaient creusés et dont les parois étaient enduites de beurre de karité, ainsi que par la qualité de leurs légumes arrosés d’eau. Bien plus tard, en 1865, le rabbin Mordekhaï abi Serour raconte avoir rencontré des Daggatoun, au cours de ses déplacements le long du Niger, qui lui auraient déclaré : Nous sommes des Juifs et nos ancêtres étaient originaires de Tamentit (au centre de Touat). Malgré leur islamisation, les Banou Israël ont continué à entretenir la mémoire de leurs origines juives et même, pour quelques-uns, leurs patronymes. Au cours de son voyage au Mali en 1996, Jacob Oliel a rencontré des Al Ihudi (Jehudi signifiant Juif en hébreu) et des Al Kuhin (provenant vraisemblablement de Cohen, prêtre en hébreu). Certains Juifs (ou descendants de Juifs) du Mali continuent à accompagner leur signature d’une Etoile de David (étoile à 6 branches) ou d’un Sceau de Salomon (étoile à 5 branches). Partant à la recherche des Daggatoun dont parlait Mordekhaï abi Serour, Jacob Oliel en retrouve la trace au nord du Mali, dans la région de Tombouctou, où des gens se déclarent sans ambages d’origine juive et touatienne. Pour exprimer dans leur langue la notion de «connaissance», ils utilisent le mot «Talmud» (qui est effectivement dérivé de l’hébreu limoud, étude). A l’ouest de Tombouctou, Oliel découvre qu’une tribu touareg utilise des prénoms comme Eli ou Izariyel et des patronymes comme Lewi. Dans son ouvrage La Politique culturelle, la fin d’un mythe (Gallimard, Paris, 2005), Jean-Michel Djian parle de Tombouctou, cité qui fut le siège d’une intense vie intellectuelle où des milliers de livres ont été écrits à la main, puis abandonnés à la poussière du désert. Actuellement, plus de 15.000 de ces documents ont été exhumés et répertoriés par l’Unesco; une passionnante histoire de l’Afrique, jusqu’à présent ignorée, émerge ainsi de la nuit de l’oubli. Certains de ces manuscrits remontent au XIIIe siècle. La plupart de ces précieux témoignages écrits du passé appartiennent à des personnes privées. Pour en connaître le contenu, il faut approcher ces propriétaires. L’un d’entre eux, M. Ismaël Diadé Haidara, a publié en 1999, aux Ed. Donniya, Bamako, un ouvrage qui s’intitule : Les Juifs à Tombouctou - Recueil de sources écrites relatives au commerce juif à Tombouctou au XIXe siècle. Il apparaît que les Juifs ont joué un rôle important dans la montée de l’or du Soudan vers l’Espagne chrétienne. C’est par eux qu’un des pères de la cartographie, Abraham Cresques (1325-1387)(2), établi aux Baléares, eut connaissance de Tombouctou, qui était reliée à l’Afrique du Nord par des chemins, dont les ports étaient habités par des Juifs. 1 Voir dans le Regards 603, p.6 : «Traces juives en Afrique : les Foggaras, un système d’irrigation original». 2 Son Atlas Catalan se trouve actuellement à la Bibliothèque Nationale à Paris.
Michel Laub
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